Aile ou la cuisse (L')

Aile ou la cuisse (L')
Titre original:Aile ou la cuisse (L')
Réalisateur:Claude Zidi
Sortie:Cinéma
Durée:101 minutes
Date:27 octobre 1976
Note:
Chaque année, la France toute entière retient le souffle avant la publication du guide Duchemin, la bible gastronomique qui fait ou défait la réputation de maintes restaurants. La nouvelle édition est pratiquement prête et l'éditeur impitoyable Charles Duchemin pense à passer la main à son fils Gérard. Mais ce dernier se plie uniquement aux corvées culinaires de son père pour financer son cirque, sa passion véritable. Et pour aggraver encore plus la crise vers laquelle se dirige Charles Duchemin, le fabriquant de nourriture préconditionnée Tricatel s'apprête à racheter tous les restaurants qui auront une nouvelle étoile dans le prochain guide.

Critique de Tootpadu

La France, pays de la gastronomie et des palais choyés, c'est une caractéristique nationale dont ses habitants sont particulièrement fières. Ce bon goût pour la bonne chair ne date évidemment pas de hier, même si des termes comme la fameuse "mal-bouffe" sont relativement récents. Néanmoins, la préoccupation de savoir ce que l'on a dans son assiette était déjà présente il y a trente ans, lors de la sortie de cette comédie excellente. Certes, l'introduction d'un McDo à chaque coin de rue n'avait lieu que quelques années plus tard, et l'idée même d'une nourriture transgénique devait apparaître telle une utopie folle, mais au fond, les questions que le film de Claude Zidi pose avec intelligence et humour, sont restées les mêmes.
Le scénario ingénieux et vif d'esprit ne se permet pas le luxe de proposer des solutions compliquées au problème tout aussi diffus de l'alimentation industrialisée, mais il sait merveilleusement intégrer la dénociation du sujet dans sa narration d'une extrême fluidité. En effet, la bouffe bien faite n'est qu'un sujet qu'il aborde, outre le passage des générations, le monde du travail, l'idéalisme de la jeunesse, et même, à condition de forcer un peu la lecture de certaines séquences, la discrimination des homosexuels. Comment ne pas analyser effectivement le personnage interpreté par Coluche, habillé de manière fort extravagante (les bretelles en couleurs d'arc-en-ciel), qui fréquente un univers presque exclusivement masculin (le cirque) dont il n'ose pas parler à son père et qui provoquera la rupture, en tant que pédé pour le moins timide ? Sa relation supposée platonique avec la secrétaire craquante ressemble en tout cas plus à un rapport entre frère et soeur, voire entre mère et fils adulte, par son côté de convention scénaristique qu'à la description d'une passion charnelle. Quoiqu'il en soit, le fait même que de telles supposition ont la possibilité de germer à l'intérieur d'une comédie grand public est un testament à l'ouverture d'esprit des scénaristes et à la subtilité du jeu de Coluche.
Cependant, l'aspect "conscience sociale" n'est que la cerise sur le gateau délicieux de ce divertissement exquis. La vitesse de la narration qui enchaîne les gags sans le moindre répit nous fait ainsi oublier la structure un peu hasardeuse de l'ensemble. Ce symbole du meilleur de la comédie française d'antan fonctionne en effet plus par petites touches ingénieuses que comme un récit suivi qui tirerait sa force d'un souffle ininterrompu. Ce qui ne signifie nullement que l'écriture de Claude Zidi et de Michel Fabre manque de finesse et d'une capacité impressionnante à relier encore les fils de l'intrigue les plus anodins.
Autant la rareté de comédies d'une telle qualité dans la production française actuelle nous fait de la peine, autant nous nous sommes régalés de la (re)découverte de ce repas cinématographique complet, présenté dans des couleurs très joliment datées.

Vu le 2 janvier 2006, en DVD - qui est pour le moment disponible au prix de trois baguettes et demie chez votre marchand de journaux
Revu le 12 juillet 2010, en DVD

Note de Tootpadu: