Flandres

Flandres
Titre original:Flandres
Réalisateur:Bruno Dumont
Sortie:Cinéma
Durée:91 minutes
Date:30 août 2006
Note:
André Demester, un paysan des Flandres, a reçu son ordre de marche pour la semaine prochaine, afin de participer à la guerre dans un pays lointain, désertique. Il vit donc ses derniers jours avec Barbe, une amie d'enfance qu'il aime. Mais la jeune femme préfère s'attacher à Blondel, un autre futur soldat de la région, tout en gardant de l'affection pour Demester. L'horreur de la guerre révélera les vrais sentiments que Demester éprouve pour Barbe.

Critique de Tootpadu

Dans son quatrième film, Bruno Dumont élargit encore plus son horizon qu'auparavant, tout en restant essentiellement fidèle à lui-même. Il cultive ainsi toujours ses racines du Nord, représentées ici par des installations agricoles et une façon de vivre profondément campagnarde. Le style épuré, qui dégage bizarrement un ton pesant, et qui avait rendu surtout L'Humanité fortement dérangeant, est omniprésent dans la première partie du film, avant le départ au front. Les longs plans contemplatifs, les sentiments refoulés du protagoniste, le rapport nonchalant au sexe et l'établissement d'une relation triangulaire oppressante se complémentent dans le but de recréer les piliers essentiels de l'univers de Bruno Dumont.
La lecture du film se complique cependant dans la deuxième moitié, réservée aux atrocités de la guerre et aux réactions des copines restées en France. Là où le regard de Dumont sur les tourments intérieurs des gens du Nord est depuis son premier film d'une justesse et d'une intensité exceptionnelles, il ne trouve pas grand-chose de nouveau à dire sur la cruauté d'un champ de bataille. Les exécutions sommaires, les viols et même les soldats dénudés en train de se battre, nous avons déjà vu tout cela et filmé d'une manière pas moins terrifiante. Rien que par la création approximative du décor guerrier, cette mission mortelle rappelle fortement celle dans le Full Metal Jacket de Stanley Kubrick. Et comme dans ce dernier, il manque quelque chose à la description de l'aspect arbitraire de la guerre qui la mettrait au même niveau que les tourments sentimentaux de l'un et l'instruction inhumaine de l'autre. En plus, le personnage principal féminin resté en France devient de plus en plus opaque, ce qui n'est guère une amélioration par rapport à son rôle à la limite de la misogynie dans la première moitié du film.
Décidément, la méthode Dumont, avec ses acteurs non-professionnels parfois inintelligibles, nous avait bien plus enthousiasmés dans ses deux oeuvres précédentes. Dans le cas présent, elle cherche peut-être trop à coller à l'actualité mondiale, au risque de s'aventurer dans des domaines thématiques qui se situent finalement très loin des préoccupations auxquelles Bruno Dumont avait été plus ou moins fidèle, jusqu'à présent. Nous savions déjà que le ton si particulier du réalisateur pouvait s'exprimer merveilleusement loin de sa terre natale, grâce à Twentynine Palms. La question se pose désormais de savoir si Bruno Dumont est capable de conter des histoires animées par autre chose que des instincts sensuels et des rapports conflictuels agencés en triangle ?

Vu le 27 juin 2006, au Club de l'Etoile

Note de Tootpadu: