Derniers jours du monde (Les)

Derniers jours du monde (Les)
Titre original:Derniers jours du monde (Les)
Réalisateur:Jean-Marie Larrieu, Arnaud Larrieu
Sortie:Cinéma
Durée:134 minutes
Date:19 août 2009
Note:
Au mois de juillet, Robinson Laborde retourne dans l’appartement de ses parents à Biarritz, où il avait commencé une affaire torride avec l’énigmatique Lae un an plus tôt, qui avait mené à son divorce et à la perte de sa main droite. Pendant que le monde sombre dans un chaos irrémédiable fait de virus mortels, d’attentats terroristes et de bombes atomiques, Robinson cherche à tirer un trait sous son passé sentimental malheureux. Puisque les séances chez le psy ne lui servent plus à rien, il se met à écrire son histoire sur les pages blanches d’un manuel de cuisine, le seul support encore disponible dans la librairie d’Ombeline, une amie de son père.

Critique de Tootpadu

Qu’est-ce qui fait tourner le monde civilisé, tel que nous le connaissons ? A en croire la proposition d’une apocalypse imminente dans ce quatrième long-métrage des frères Larrieu, c’est l’assurance d’un ordre, réel ou supposé, qui nous sauverait de l’anarchie et de la déroute la plus totale. Contrairement aux autres contes sur la fin du monde, le processus est développé progressivement ici. L’étendue de la catastrophe ne devient ainsi palpable qu’au fur et à mesure de l’élaboration du récit. D’emblée, il plane une menace diffuse sur Robinson et la station balnéaire. Mais la mort paraît encore se tenir à l’écart de cette destination de vacances, étrangement déserte en ce début de l’été. Le personnage infirme et méditatif que Mathieu Amalric interprète avec l’investissement complet qu’on lui connaît depuis longtemps, ressemble alors à celui de Dirk Bogarde dans Mort à Venise de Luchino Visconti.
La décadence qui caractérise Les Derniers jours du monde se distingue cependant clairement des fantasmes du vieux compositeur von Aschenbach. Bien qu'un sursaut généralisé de la libido accompagne les sirènes de l'apocalypse, l'obsession qui fait avancer Robinson est sensiblement plus abstraite. Hanté par le souvenir d'une femme, le protagoniste se lance presque malgré lui à sa recherche. Ce qui n'était d'abord qu'un poids psychologique, susceptible d'être soigné grâce aux consultations chez le psy, devient petit à petit une chimère, plus grande que l'hystérie populaire. La découverte de secrets longtemps enfouis et la libération des moeurs face au danger imminent permettent à Robinson de trouver le courage d'aller jusqu'au bout de son rêve érotique.
La frénésie qui s'empare alors de lui n'est bizarrement guère reflétée par le comportement collectif. La léthargie et la nature polymorphe de la menace d'extinction font que le ton du film baigne dans un mélange étrange entre l'absurdité et le découragement. Le semblant d'une vie normale, qui est maintenue sur les terrasses des cafés et dans les salles bondées d'opéra, crée un contraste saisissant avec la gravité de la situation. Face à l'hécatombe, la mort regagne une banalité, qui rend la vie d'autant plus précaire.
Cette dichotomie entre la perfidie de la mort omniprésente et la timidité presque distante de la vie représente l'aspect le plus réussi du film. Les frères Larrieu tranchent ainsi agréablement avec l'empressement hystérique à l'oeuvre dans la plupart des contes catastrophes. Quant au reste, notre verdict est plus réservé. Clairement trop long, le film pâtit un peu de l'absence d'une intrigue aussi forte que son contexte fascinant. L'histoire entre Robinson et Lae n'est ainsi pas plus engageante que ses conquêtes ultérieures. Et la fin étrange - si étrange que le projectionniste croyait être arrivé avant l'heure à la fin de la bobine, au point de rallumer précocement les lumières - nous fait craindre que, en dehors du cadre réussi, le film n'ait d'autre finalité que le rappel d'un lac brumeux, en guise de point culminant de l'intrigue avant la descente aux enfers.

Vu le 28 juillet 2009, au Cinéma du Panthéon

Note de Tootpadu: