Absence (L')

Absence (L')
Titre original:Absence (L')
Réalisateur:Cyril De Gasperis
Sortie:Cinéma
Durée:72 minutes
Date:10 mars 2010
Note:
C'est l'anniversaire d'Anna, une femme d'une soixantaine d'années atteinte de démence, qui vit à la campagne avec son mari. Lorsque ce dernier disparait deux jours plus tard sans laisser de traces, Anna se retrouve seule avec Félicia, la jeune auxiliaire de vie employée pour la surveiller et lui tenir compagnie jour et nuit. Seules les visites chaque matin et chaque soir de Michelle, qui lave et change Anna, rythment dès lors le quotidien des deux femmes.

Critique de Tootpadu

La maladie d'Alzheimer, et d'autres pathologies neuro-dégénératives qui s'y apparentent, exigent un lourd tribut à la fois des patients et de leur entourage, qui doit assister en toute impuissance au lent départ mental de l'être aimé. Les répercussions de cette maladie auprès des proches peuvent même s'avérer encore plus éprouvantes à cause de la prise de conscience de la folie progressive, dont le patient ne se rend plus tellement compte à partir d'un certain stade d'avancement de la démence.
Alors que les cas de la maladie d'Alzheimer se multiplient, le cinéma aborde ce sujet brûlant avec une frilosité plutôt préoccupante. La précaution est évidemment de rigueur lorsqu'il s'agit d'évoquer un fléau social aussi contraignant. Mais de là à le laisser presque entièrement de côté, à l'exception du magnifique Loin d'elle de Sarah Polley et du pas moins poignant Se souvenir des belles choses de Zabou Breitman, cela s'apparente à de la lâcheté artistique et morale de la part d'une communauté filmique, par exemple bien plus réactive lorsqu'il faut rappeler aux spectateurs les différentes manifestations de l'exode économique qui est en marche vers l'Europe.
Dans son premier film, le réalisateur Cyril De Gasperis a choisi une approche indirecte pour tenir compte de la maladie. Ce n'est pas vraiment Anna qui est au centre de L'Absence, mais Félicia, la jeune femme qui la soigne avec un dévouement étrangement détaché. En acceptant de s'occuper de cette malade imprévisible et têtue, Félicia s'impose le même retrait du monde que les patients mentalement diminués subissent malgré eux. Son isolement est adroitement souligné par les quelques plans fixes du beau paysage autour de la maison de campagne d'Anna, dont Félicia ne peut pas activement profiter en raison de ses obligations de garde. Ce personnage opaque mais nullement antipathique établit une relation de dépendance et de complicité avec Anna, qui enferme les deux femmes dans un microcosme marqué par une autosuffisance et une monotonie assumées.
Les plans récurrents de la préparation du plateau du petit déjeuner, de l'ouverture du frigo, et du rangement des assiettes le soir, instaurent un rythme volontairement pesant, qui reflète admirablement l'atrophie sociale vers laquelle se dirige Félicia. L'inertie d'Anna déteint petit à petit sur elle, jusqu'à l'abandon de ses devoirs de surveillance à la fin du film. D'un calme fascinant, ce dernier emploie des moyens cinématographiques subtils, pour soulever la problématique de la maladie mentale, qui touche presque plus l'entourage, incapable d'y faire face comme la famille d'Anna, que les patients eux-mêmes. L'interprétation est à la hauteur de la prudence artistique du film, notamment à travers le jeu tout en finesse de Cécile Coustillac et de celui plus pragmatique de Liliane Rovère.

Vu le 25 février 2010, à la Salle Pathé Lincoln

Note de Tootpadu: