Inhumaine (L')

Inhumaine (L')
Titre original:Inhumaine (L')
Réalisateur:Marcel L'Herbier
Sortie:Cinéma
Durée:111 minutes
Date:12 décembre 1924
Note:
La célèbre cantatrice Claire Lescot est entourée d'hommes influents, qui se disputent son affection. La vedette reste pourtant froide face aux avances des politiciens, artistes et aristocrates qu'elle a réunis autour d'elle, lors d'une fête dans sa demeure luxueuse. Le retardataire Einar Norsen, un jeune ingénieur visionnaire qui est secrètement amoureux de Claire Lescot, arrive juste à temps pour l'entendre dire, qu'elle partira seule en voyage, à moins que quelque chose ne la retienne en ville. Trop timide pour avouer ses sentiments et inquiet de voir la chanteuse se dérober à son emprise, Einar menace de se suicider.

Critique de Tootpadu

Les décors très stylisés et le montage parfois avant-gardiste sont les seuls éléments qui rendent ce film muet du milieu des années 1920 encore intéressant de nos jours. La lenteur de l'intrigue, le jeu expressif des comédiens, et un idéal féminin sensiblement daté en font par contre une épreuve d'archéologie cinématographique, qui mettra la patience d'un spectateur contemporain à rude épreuve. Le réalisateur Marcel L'Herbier réussit certes à transcrire sur la durée les passions de ses personnages, inassouvies du côté d'Einar, et réprimées jusqu'au bout par Claire. Mais la structure plus que tortueuse de l'intrigue, ainsi que le dernier volet fantastique de celle-ci, qui s'engage dans une frénésie survoltée, quoique guère féerique pour redonner la vie, rendent la vision de ce drame assez éprouvante, en tout cas dans son état le plus épuré possible, c'est-à-dire sans images teintées et sans accompagnement musical.
Les personnages de L'Inhumaine mettent en effet un temps fou pour s'affranchir de leurs inhibitions. Tandis que la distance aguicheuse, mais nullement voluptueuse, que Claire Lescot garde envers ses prétendants sert de moteur peu puissant à l'avancement de l'histoire, les subterfuges tordus d'Einar pour s'assurer de son amour inavoué risquent plus d'une fois de la faire dérailler. Pas assez de la propension des personnages à tout remettre à plus tard et à éterniser ainsi le rythme de la narration, le revirement final, vers une célébration basique du progrès technique et du rôle divin qu'assume dès lors l'inventeur capable de redonner la vie, a presque tendance à anéantir la tension dramatique délicate établie auparavant. Sans oublier que cette femme ramenée à la vie grâce à la science ne génère pas les mêmes implications universelles et sociales que le personnage semblable dans Métropolis de Fritz Lang, et que son aspect physique n'est probablement plus à même d'exciter les fantasmes des hommes actuels, plus de quatre-vingts ans après la sortie du film.
Il ne reste donc que deux ou trois séquences montées avec audace et l'influence presque écrasante de l'art-déco pour garantir un intérêt durable à ce film esthétiquement visionnaire, mais plutôt exsangue dans la direction du récit et des comédiens.

Vu le 13 mai 2010, à la Cinémathèque Française, Salle Henri Langlois

Note de Tootpadu: