Je n'ai rien oublié

Je n'ai rien oublié
Titre original:Je n'ai rien oublié
Réalisateur:Bruno Chiche
Sortie:Cinéma
Durée:98 minutes
Date:30 mars 2011
Note:
Peu de temps après avoir accidentellement mis le feu à la maison de vacances de la famille Senn, dont il était le gardien, Conrad Lang fait irruption au mariage de Philippe Senn, le fils de son ami d’enfance Thomas. La vieille matriarche Elvira voit d’un mauvais œil le retour de cet homme du passé, qui remue par maladresse le couteau dans la plaie de querelles familiales anciennes. Pour calmer sa mauvaise conscience face à cet individu qui a toujours vécu aux crochets des Senn, elle l’installe dans un appartement près de l’usine familiale. Simone, la jeune épouse de Philippe, s’intéresse de près à Conrad et à ses souvenirs d’enfance, qui remontent à la surface, en tant que premiers signes de la maladie d’Alzheimer.

Critique de Tootpadu

La France commence à perdre la tête. Au fur et à mesure que l’espérance de vie augmente et que la population vieillit, nous verrons probablement de plus en plus de films qui traitent de la maladie d’Alzheimer, comme ce fut auparavant le cas d’autres fléaux de la santé publique comme le cancer ou le sida. Ce phénomène de mode guère réjouissant, le troisième film du réalisateur Bruno Chiche – en pas moins de dix ans – se l’approprie d’une manière détournée, qui permet néanmoins d’en mesurer tout l’impact que cette forme de démence peut avoir sur le patient et son entourage. Le scénario inscrit en effet la perte de la mémoire récente de Conrad dans le contexte d’un secret familial soigneusement gardé, que le comportement imprévisible de ce sbire présumé ébranle durablement.
Au lieu de nous fournir facilement un prétexte pour nous apitoyer sur le sort de ce pauvre bougre, exploité jusqu’au bout par une famille de rapaces, voire de vautours sociaux, le récit procède à un mouvement étonnamment élégant vers l’éclaircissement du mystère. Les indices sont assez révélateurs pour permettre aux spectateurs perspicaces de se douter des véritables motivations des personnages avant le dénouement sur un ton doux-amer. Cependant, la construction narrative du récit s’est faite avec tant de finesse que même un dispositif aussi éculé que la belle-fille, qui fouine dans le linge sale de sa nouvelle famille pour mieux y trouver sa propre place, fonctionne sans accroc notable. Le rôle de Simone est même essentiel en termes du rythme dramatique d’une histoire, où tout le monde tient à rester à couvert.
Aussi peu intégrée dans le cercle de cette famille bourgeoise et hautaine que le trublion incommode dont elle prend la défense, cette jeune femme qui risquerait de rester transparente, si ce n’était pour l’interprétation sincère d’Alexandra Maria Lara, agit à la fois par solidarité envers cet autre exclu et par une notion de décence humaine, que les Senn ont sacrifié depuis longtemps sur l’autel du maintien de leur statut social. Or, les frictions entre les riches et les pauvres, entre ceux qui tiennent les rênes de l’empire familial et ceux qui en ont été écartés, volontairement ou de force, ne paraissent pas non plus comme des béquilles scénaristiques plutôt schématiques dans le grand dessein de la mise en scène de Bruno Chiche. Car ce dernier s’applique avant tout à faire un film de qualité, et si possible dépourvu de prétentions futiles, ce que Je n’ai rien oublié est sans aucun doute.

Vu le 24 mars 2011, à la Salle Pathé François 1er

Note de Tootpadu: