Una noche

Una noche
Titre original:Una noche
Réalisateur:Lucy Mulloy
Sortie:Cinéma
Durée:90 minutes
Date:27 novembre 2013
Note:

Depuis que son frère jumeau Elio a commencé à travailler dans la cuisine d’un hôtel réservé aux touristes, la jeune Lila se sent moins proche de lui. Elle le soupçonne d’être secrètement amoureux de son collègue et nouvel ami Raul. Ce qu’elle ignore encore, c’est que les deux adolescents prévoient de fuir la misère cubaine à bord d’un radeau de fortune.

Critique de Tootpadu

La vie dans ce qu’elle a de plus viscéral et vigoureux anime de bout en bout ce premier film, à tel point qu’on se demande si les jeunes qui veulent s’évader de la précarité sur leur île vaguement communiste n’auraient pas tort de croire si fermement en le rêve américain. En effet, on ne voit à aucun moment les Etats-Unis dans Una noche et les seules paroles anglaises y sont prononcées par des touristes étrangers, venus là pour se reposer à l’écart de la population locale. Il n’empêche que les deux jeunes qui rêvent de partir idéalisent leur destination, sans se rendre compte que le pays qu’ils fuient dispose de sa propre grandeur, sauf qu’elle se situe dans l’âme et pas dans le porte-monnaie. S’il ne fallait retenir qu’une chose des débuts de la réalisatrice Lucy Mulloy, ce serait cette capacité de s’imprégner corps et âme d’une culture et d’une mentalité qui ne sont pas les siennes, et d’en retranscrire toute l’exubérance à l’écran.
Parmi tant de pulsions brutes et déchaînées, qui ont l’immense avantage de ne pratiquement jamais tomber dans le misérabilisme, la cohérence narrative passe hélas à l’arrière-plan. Le récit est conçu comme un mélange pas tout à fait concluant entre la sensualité des corps et des murmures philosophiques en voix off. Le point de vue principal de la sœur jumelle qui s’inquiète pour son frère, sans savoir comment l’aider, est appliqué sans une nécessité dramatique clairement établie. Qu’elle soit in extremis du voyage n’importe que peu au cours de la dernière demi-heure du film, qui s’égare dans un triangle amoureux explicitant platement les désirs refoulés du début.
Dommage donc que tant de verve et de vivacité se trouvent presque gaspillées dans un film qui sait montrer une existence aux joies simples et à l’espoir exponentiel de vouloir s’en sortir, mais qui peine à établir une densité narrative à la hauteur de l’exode perdu d’avance vers cette vie supposée meilleure chez l’Oncle Sam. La faute pour un résultat si mitigé ne revient ni aux jeunes comédiens amateurs, ni même à une mise en scène téméraire et débrouillarde avec le peu de moyens à sa disposition. Elle est davantage imputable à un scénario trop alambiqué, enfilant les clichés sur les jeunes désœuvrés, la déchéance de la génération adulte et un état policier cubain qui porte le dollar des touristes sur un plateau d’argent, sans oublier une vision toujours aussi honteuse et complexée de l’homosexualité.

Vu le 2 septembre 2012, au C.I.D., Deauville, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Lorsque une jeune réalisatrice souhaite réaliser son premier film, le parcours est assez chaotique, car il faut pouvoir trouver les fonds nécessaires pour arriver à mettre en production celui-ci. Ce n’est donc pas un hasard, si nous retrouvons Lucy Mulloy derrière la caméra, au scénario et à la production. A budget étriqué, la réalisatrice contourne l’obstacle en dirigeant des acteurs non professionnels. D’origine cubaine, elle réalise ainsi son premier film tourné à Cuba en langue espagnole. Elle y décrit la tentative d’évasion de trois jeunes issus des milieux pauvres, un frère, sa sœur et un ami du frère.

La très belle photographie de Cuba permet de découvrir une nouvelle image de ce paradis pour touristes et enfer pour les habitants. La pauvreté est omniprésente, les habitations guère propres et cela explique donc pourquoi autant de Cubains tentent de partir vers la Floride pour avoir une meilleure vie. Ce film est le reflet d’une société gangrenée et il frappe par sa sincérité. Certes, le prix du jury semble être justifié, mais j’aurai préféré de loin que God bless America l’obtienne !

Cependant, la vision que la société cubaine porte sur l’homosexualité n’est guère en son honneur dans ce film. Le frère attiré par son ami ne résistera pas à la traversée. Ce concept doit-il être interprété comme une punition ou un pur hasard ? Cela sera au public d’en décider. Mais cette idée ne fait malheureusement pas honneur à ce film qui mériterait d’être découvert. Reste que le cinéma américain indépendant, comme le montre une nouvelle fois ce film, se porte bien et reste bien le seul moyen pour de jeunes réalisateurs de se faire connaître.

Un film intéressant, qui se laisse regarder comme une carte postale reçue d’une contrée lointaine.

Vu le 2 septembre 2012, au C.I.D., Deauville, en VO

Note de Mulder: