Voleur de crimes (Le)

Voleur de crimes (Le)
Titre original:Voleur de crimes (Le)
Réalisateur:Nadine Trintignant
Sortie:Cinéma
Durée:89 minutes
Date:23 mai 1969
Note:
Jean est par hasard le témoin du suicide d’une femme, qui s’attache dans sa voiture avant de la précipiter dans le vide du haut d’une carrière. Bouleversé par cet incident, il décide de s’attribuer lui-même la mort de cette inconnue, en envoyant des lettres d’aveux anonymes aux journaux. Petit à petit, Jean se prend à son propre jeu d’imposture, jusqu’à ce que son histoire disparaît de la une pour laisser la place à d’autres actualités. Afin de retrouver sa notoriété d’assassin du barrage, il est désormais prêt à commettre réellement un meurtre.

Critique de Tootpadu

Le deuxième film de la réalisatrice Nadine Trintignant est fortement marqué par son époque. A commencer par la musique assez agressive, qui rythme sans relâche l’histoire subversive d’un homme sans valeurs morales. Le crime n’y est pas quelque chose qu’il faudrait condamner dans les actes et la parole, mais au contraire, la porte d’accès à une célébrité factice, autant recherchée dans l’immédiat après-Mai ’68 que dans notre époque médiatisée à outrance. Seul le ton marqué par un amusement infantile par rapport à des sujets graves comme le suicide et le meurtre peut expliquer l’interdiction sévère aux spectateurs de moins de seize ans. Car derrière ses airs d’homme impassible, Jean est un être à la fois profondément pervers et immature, dont l’insolence frôle l’inconscience.
Malheureusement, la mise en scène n’est pas tout à fait à la hauteur des implications de ce conte amoral. En privilégiant le point de vue subjectif du protagoniste, notamment par le biais des extraits du procès à l’image floue comme pour faire glisser le voile de l’incertitude juridique sur cette punition hypothétique, et en commençant le film par l’arrestation finale avant d’entamer un long retour en arrière, elle enferme l’ennui destructeur de Jean dans un carcan légal pas forcément nécessaire. Le besoin qu’éprouve ce père de famille distant de se faire remarquer et de choquer tout en préservant une apparence respectable aurait en effet suffi à lui seul pour dresser le portrait d’un homme encore plus imperméable aux notions du bien et du mal que Meursault dans « L’Etranger » d’Albert Camus.
Ainsi, ce que le jeu inspiré de Jean-Louis Trintignant, à mi-chemin entre la névrose narcissique et l’innocence d’un enfant qui veut être pris en considération, apporte au personnage, la narration peu ferme risque de le lui enlever par des choix formels guère exceptionnels. On aurait souhaité un peu plus de folie et de fureur au Voleur de crimes, qui n’est en fin de compte qu’une variation supplémentaire sur le thème de la perversion des mœurs chez ceux qui n’ont plus rien à prouver à qui que ce soit.

Vu le 17 octobre 2012, à la Cinémathèque Française, Salle Georges Franju

Note de Tootpadu: