N'aie pas peur

N'aie pas peur
Titre original:N'aie pas peur
Réalisateur:Montxo Armendariz
Sortie:Cinéma
Durée:94 minutes
Date:31 octobre 2012
Note:
Sylvia a été abusée sexuellement par son père depuis ses sept ans. Elle ne parle à personne de ce traumatisme qui l’a plongée dans une profonde dépression, au fur et à mesure que les sévices continuent. Après la séparation de ses parents, elle est obligée d’habiter avec son père, qu’elle aime et qu’elle haït en même temps. Ce n’est qu’en tant que jeune adulte qu’elle trouve le courage de s’extraire de son emprise et de s’approprier sa propre souffrance.

Critique de Tootpadu

Il n’existe pas de mots pour décrire l’horreur de la pédophilie à caractère incestueux. Et pas d’image non plus, qui saurait tenir compte de la nature abjecte de cet acte immonde, tout en faisant abstraction de son aspect pornographique, afin de rendre un peu de dignité aux victimes. Le réalisateur espagnol Montxo Armendariz, qui n’en est plus à son premier film, le sait pertinemment. Il se garde par conséquent soigneusement de montrer explicitement les abus réguliers à l’image. Nous apprenons très tôt que Sylvia se fait molester par son père. Ce n’est pourtant pas la quête d’une punition ou d’une délivrance qui prime dans N’aie pas peur, mais le chemin éprouvant pour se construire une identité normale, en dehors de ces rapports perfides.
Les séquelles psychologiques avec lesquelles Sylvia doit vivre au quotidien, même quand elle est loin de la figure d’autant plus monstrueuse du père que celui-ci est décrit sans le moindre remords, sont au cœur de ce film éprouvant. Son incapacité de rompre avec cette personne de confiance, qui trahit son innocence de jeune fille avec une cruauté et un naturel qui font froid dans le dos ; ses tentatives peu fermes de se confier à ses proches qui ne veulent rien entendre, comme cette mère peut-être encore plus tragique à cause de son aveuglement têtu ; ses appels au secours physiques comme le regard fuyant, les troubles alimentaires et gastriques : il n’existe décidément pas d’issue facile à ce dilemme d’attachement et de construction d’une identité, sans doute plus pénible que la violation de l’intégrité corporelle. Du coup, le récit – tellement dur qu’il en devient beau – s’abstient à la fois de toute approche misérabiliste et édifiante.
La sobriété de la narration ne s’effrite qu’au moment des témoignages apparemment réels de victimes de pédophilie. En rattachant l’histoire fictive de Sylvia à ces récits d’une tristesse difficilement supportable, la mise en scène l’ancre dans cette zone d’ombres de la vie familiale, dans ce champ d’investigation considéré comme tabou dans notre civilisation frileuse et lâchement pudique. Ainsi, le sort peu enviable de cette jeune femme affectivement anéantie par son père acquiert un reflet réel, à travers le visage de ces individus qui savent désormais parler de leur passé douloureux et dégradant, mais qui ne s’en remettront probablement jamais.

Vu le 18 octobre 2012, au Club de l'Etoile, en VO

Note de Tootpadu: