Citadel

Citadel
Titre original:Citadel
Réalisateur:Ciaran Foy
Sortie:Cinéma
Durée:84 minutes
Date:11 septembre 2013
Note:

Tommy et sa femme Joanne, enceinte de leur premier enfant, sont sur le point de quitter leur appartement dans une tour vétuste, afin de commencer une nouvelle vie ailleurs. Mais quand Tommy monte une dernière fois dans l’ascenseur, il devient le témoin impuissant de l’agression sauvage de sa femme par trois gamins abandonnés à eux-mêmes, qui traînent dans le quartier. Plongée dans un coma profond, Joanne donne naissance à la petite Elsa, dont Tommy s’occupe du mieux qu’il le peut. Car l’attaque l’a rendu hautement agoraphobe et peureux, une condition handicapante qu’il espère laisser derrière lui en quittant cette banlieue déserte et en attente de démolition, où les bandes d’enfants font la loi.

Critique de Tootpadu

Même dans les films d’horreur les plus astucieux, la peur n’est que rarement le sujet principal de toute cette frayeur à laquelle le spectateur est confronté en permanence. Elle en est bien évidemment le résultat recherché en priorité, puisque quel intérêt de s’infliger toutes ces épreuves, si ce n’est pour ressentir des frissons qui glacent le sang. Mais dans la plupart des films de genre, aussi horrifiques soient-ils, les conséquences profondes de la peur ne sont quasiment jamais étudiées, en dehors de l’alternance désormais perfectionnée jusqu’à l’ennui entre moments de terreur et pauses de répit, qui relativisent tout de suite notre effarement. La principale qualité de ce premier film irlandais est par conséquent de savoir instaurer pendant un certain temps un climat de peur à l’état pur.
En adoptant de près le point de vue de Tommy, d’abord un jeune homme insouciant dont l’identité s’efface derrière une toile épaisse de phobies et de paranoïas dès que sa femme tombe victime d’une attaque, la mise en scène de Ciaran Foy nous prive d’emblée d’une sortie de secours à tant de misère psychologique. Nous ne vivons donc pas uniquement le calvaire du protagoniste par procuration, nous sommes confrontés sans cesse et d’une façon viscérale à une vision du monde nullement rassurante. Aidée considérablement par le décor désolant d’une ville fantôme, la première partie de Citadel montre la peur autant qu’elle la produit, sournoisement et avec malice.
Quand Tommy aura appris à maîtriser réellement sa peur, les enjeux du film se déplacent vers un rapport de forces plus classique. Entre le mal personnifié par ces petits hommes aux capuches blanches, qui rappellent naturellement la figure légendaire à dominante rouge aussi traumatisante dans Ne vous retournez pas de Nicolas Roeg, et les justiciers téméraires qui veulent nettoyer la ville de ce fléau, la dynamique narrative devient progressivement plus conventionnelle. Les subtilités des tourments intériorisés du début se muent alors en une forme d’exorcisme par l’action, qui n’était peut-être pas la façon la plus adéquate pour amener une solution à l’atmosphère initialement si oppressante.

Vu le 18 novembre 2012, au Paramount Opéra, Salle 2, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Les festivals du cinéma fantastique permettent assez rarement de découvrir actuellement des œuvres qui vous marquent dès leur première vision et vous transportent réellement d’effroi. A force de voir des films d’horreur de plus en plus souvent dans nos salles, on arrive que très rarement à avoir profondément peur. Il est ainsi loin le temps où des réalisateurs tels que John Carpenter malgré un budget ultra serré arrivaient à nous effrayer avec simplement deux notes de musique, voire une ombre dans une rue. Des réalisateurs comme David Cronenberg ont apporté une caution intellectuelle à la projection de la vraie peur sur nos écrans. A ce jour, le digne héritier de ces deux grands maîtres de l’horreur vient enfin d’émerger et s’appelle Ciaran Foy.

Citadel renvoie ainsi aux films Chromosome 13 de David Cronenberg concernant ces mutants se nourrissant de la peur qu’ils engendrent et tuant uniquement par simple plaisir, mais aussi notamment au film de John Carpenter Assault. Ce film nous présente donc une ville de l’Irlande gangrenée par la pauvreté et où une jeune bande de mutants fait régner la peur à ceux qui y résident encore. Le personnage principal est un jeune père de famille, Tommy qui bascule dans l’agoraphobie la plus totale, suite à l’agression mortelle de sa femme enceinte par un gang ultra violent et monstrueux. Seul avec sa jeune fille, il devra survivre à tout prix et aller jusqu’à affronter sa peur la plus viscérale lorsque sa fille se fera kidnapper par cette horde mutante et sauvage.

Les films qui nous émergent totalement dans la peur sont très rares et en nous présentant un jeune père de famille agoraphobe, le réalisateur nous attache dès la première minute de ce film et nous cloue littéralement sur notre fauteuil jusqu’à l’apparition du générique de fin. Le réalisateur signe également le scénario de son premier film et non seulement rend hommage aux maîtres de l’épouvante, mais également pose sa propre pierre à l’édifice. Cette région abandonnée qu’il filme de manière magistrale, cette pénétration en plein nid mutant resteront longtemps dans nos mémoires comme des visions de l’enfer sur Terre. Plus le héros va traverser cet immeuble lugubre, plus il guérira ses blessures et vaincra sa peur pour sauver l’être qu’il aime le plus au monde.

Citadel fait de l’enfant, d’habitude représentation de l’innocence, l’instrument de pure terreur. Ces véritables monstres mutants qui ont grandi comme des animaux s’apparentent plus à des démons, voire des zombies qu’à des êtres humains. Avec peu de moyens, le réalisateur nous effraie totalement par leur vision, leur haine pour les êtres humains, qui ont peur de sortir sous peine de mourir. Ce n’est pas que le personnage principal qui souffre de cette peur de l’extérieur, c’est également toute la salle qui retient sa respiration au fur et à mesure que celui-ci pénètre dans la noirceur la plus totale.

Citadel s’impose comme un film choc, puissant et lyrique, comme un film de survie et nous donne envie de vivre pleinement notre existence en sortant de la salle. Pour cela, le film ne peut que mériter nos applaudissements et ceux-ci furent longs dans la salle 2 du Gaumont Opéra Capucines, ce dimanche 18 novembre. A ce jour, ce film est celui qui mérite le grand prix du festival.

Vu le 18 novembre 2012, au Paramount Opéra, Salle 2, en VO

Note de Mulder: