Coup de l'escalier (Le)

Coup de l'escalier (Le)
Titre original:Coup de l'escalier (Le)
Réalisateur:Robert Wise
Sortie:Cinéma
Durée:95 minutes
Date:29 janvier 1960
Note:

L’ancien policier Dave Burke, contraint à démissionner après avoir été mêlé à une affaire louche, a un plan infaillible pour s’assurer une retraite dorée : le braquage d’une banque dans la ville provinciale de Melton. Il lui manque juste les deux complices nécessaires pour mener à bien son projet. Burke approche simultanément Earle Slater, un ancien détenu qui ne supporte pas que sa copine le soutient financièrement, et Johnny Ingram, un chanteur et joueur invétéré qui a accumulé une dette considérable auprès du caïd Bacco. Il faudra une énorme force de persuasion à Burke pour convaincre les deux hommes de s’engager avec lui dans ce crime en apparence facile, et cela d’autant plus qu’une hostilité ouverte éclate entre eux à cause du racisme de Slater.

Critique de Tootpadu

Robert Wise nous a quittés il y a près de huit ans. Et même avant ce décès à l’âge avancé de 91 ans, il n’avait pas tourné de film mémorable depuis un quart de siècle, préférant le poste honorable d’éminence grise de Hollywood. Ecrire que son style de cinéma nous manque paraît du coup fortement tardif ou au moins anachronique. Mais il y a quelque chose dans l’œuvre cinématographique de cet artisan honnête, plus doué formellement que Stanley Kramer, par exemple, quoique animé par le même regard humaniste sur les failles de la civilisation américaine, qui résonne en nous jusqu’à ce jour. Comme dans ce film noir magnifique, dont la brutalité et le désespoir sont des qualités intemporelles. Elles sont pourtant étroitement enracinées ici dans le contexte du cadre urbain d’une ville de New York froide et hostile, ainsi que dans un climat social qui allait voir venir dans les années 1960 les grands mouvements de lutte pour l’égalité des races.

Le Coup de l’escalier fait partie de ces films de braquage qui s’intéressent clairement plus aux motivations des gangsters, aussi contradictoires soient-elles, qu’aux rouages d’un plan d’attaque sans faille. Les trois personnages centraux du film sont des criminels récalcitrants, puisque l’immense majorité de la durée de l’histoire est employée pour montrer pourquoi ils ne voudraient ou ne devraient pas participer au casse. Tandis que Burke est encore le plus décidé, même si sa démarche ne manque pas de manipulations en tout genre, le cas de Johnny et Earle est déjà plus problématique, parce que semé d’embûches inhérentes à leur condition sociale. Le réalisme désarmant avec lequel la narration aborde le destin tracé d’avance de ces hommes, victimes d’un monde qui ne leur fait pas de cadeau en raison de leur âge ou de la couleur de leur peau, figure parmi les nombreux points enthousiasmants d’un film qui ne nous relâche à aucun moment. En même temps, une issue de secours se présente clairement aux deux écorchés de la vie : renoncer soit à la dépendance du jeu, soit à l’adhésion à une répartition archaïque des rôles au sein du couple. Que ni l’un, ni l’autre n’ose réaliser cette utopie d’une vie exempte de démons et de conventions sociales contraignantes renforce indubitablement la noirceur d’un récit magnifiquement déprimant.

L’absence d’illusions sur la nature humaine se reflète également dans les interprétations de premier ordre. Les personnages, antipathiques sans exception mais justement attachants par leurs imperfections apparentes, prennent réellement vie sous les traits de comédiens d’exception comme Robert Ryan, Ed Begley Sr. et Harry Belafonte. Leur échec misérable est le testament passionnant d’un film fiévreux, voire poisseux, à cent lieues de la soumission à une morale rassurante que le cinéma hollywoodien pratique habituellement. En cela, Robert Wise y accomplit un de ses coups de maître, un film passionnant et intense qui se met entièrement au service d’une histoire aux multiples zones d’ombre.

 

Revu le 7 août 2013, au Louxor, Salle 1, en VO

Note de Tootpadu: