Leave it on the floor

Leave it on the floor
Titre original:Leave it on the floor
Réalisateur:Sheldon Larry
Sortie:Cinéma
Durée:106 minutes
Date:07 août 2013
Note:

Quand la mère de Brad découvre qu’il est gay, elle le met immédiatement à la porte. Vivant dans la voiture qu’il a réussi à subtiliser à sa mère avant de partir avec fracas, Brad n’a nulle part où aller et, pire encore, est convaincu qu’il est le même genre de perdant né que son père, qui s’était pendu dans sa cellule de prison. Dans un supermarché, Brad attire l’attention de Carter, qui lui vole son porte-monnaie avant de disparaître dans l’entrée d’un club privé. Brad l’y suit. Il découvre alors l’univers du voguing, des défilés hauts en couleurs organisés régulièrement, où les différentes familles de travestis et autres queens extravagantes s’affrontent. Brad tombe sous le charme de Princesse, qui appartient, tout comme Carter, à la famille Eminence de la redoutable Queef Latina.

Critique de Tootpadu

Plus de vingt ans après le documentaire extraordinaire Paris is burning de Jennie Livingston, le milieu clandestin et exubérant des défilés de drag queens revient timidement sur le devant de la scène. L’épidémie du sida, les compétitions télévisées de danse et de chant, ainsi que le combat pour la reconnaissance civile des droits des homosexuels sont passés par là. Or, la distribution confidentielle de Leave it on the floor en France – à Paris dans la seule salle qui met depuis des lustres des films gays à l’affiche, la proximité du Marais oblige – laisse craindre que ni les mentalités, ni les modes de réception d’images propres à une minorité n’aient changé un iota. Au moins, un aspect de la vie gaie resté trop longtemps enfermé sous la chape de plomb de la honte (le rejet parfois violent de la part des parents quand ils apprennent l’homosexualité de leur fils ou de leur fille) se fraie doucement un chemin dans la conscience collective, ne serait-ce que grâce au travail d’associations remarquables comme Le Refuge.

Le deuxième film de Sheldon Larry, un réalisateur plus très jeune qui s’exerce depuis longtemps à la télévision, tient compte de tous ces dilemmes de la vie gaie. Il les revendique même d’une certaine façon, lors d’un préambule en guise de dédicace à tous ces adolescents et jeunes adultes qui doivent se battre durement pour trouver leur place dans un monde qui les frappe depuis toujours de son ostracisme aveugle, peu importe le leurre de normalité que représentent les avancées légales récentes. Le choix de la comédie musicale, avec beaucoup de chansons originales et pas mal de danse, élève le film vers le registre du conte. Il applique en même temps une couche passablement sucrée au sort difficile de Brad, un adonis afro-américain à la psychologie minée par une faiblesse récurrente de l’estime de soi. Hélas, l’intrigue ne va pas chercher plus loin en termes de complexité que cette prémisse prometteuse, qui stagne assez rapidement au niveau d’un mélodrame sans complexe.

Car s’il manque à ce film le courage militant et le panache esthétique qui en feraient soit l’orgie sans retenue d’une contre-culture aux revendications toujours pas entièrement admises par notre société hétérocentrique, soit une stylisation exagérée et kitsch qui permettrait aux jeunes gays mal dans leur peau de s’évader pendant deux heures de leur précarité affective et existentielle, il réussit cependant à maintenir un équilibre prodigieux entre les poncifs romantiques et la festivité des bals. Cet éclectisme des influences se retrouve aussi du côté musical, puisque des chansons aux rythmes corsés y cohabitent paisiblement avec des ballades dont les origines peuvent être facilement retracées jusqu’à « Dreamgirls » et ses cris de dégoût désespérés face à l’injustice du monde. Pour le meilleur et pour le pire, la sobriété de la forme enferme cette marginalité originale dans un cadre plus soigné et professionnel que celui de la plupart des productions gaies. Un gage de qualité ambigu qui garantit néanmoins un divertissement sans fausse note.

 

Vu le 8 août 2013, au MK2 Beaubourg, Salle 1, en VO

Note de Tootpadu: