Blue Ruin

Blue Ruin
Titre original:Blue Ruin
Réalisateur:Jeremy Saulnier
Sortie:Cinéma
Durée:90 minutes
Date:09 juillet 2014
Note:

Dwight vit comme un marginal. Il dort dans sa voiture, il se lave en faisant infraction chez les gens, il se nourrit des poubelles. Un jour, la police le convoque pour lui annoncer que Wade Cleland, l’homme condamné pour avoir assassiné les parents de Dwight, va être libéré après avoir purgé une peine de prison de vingt ans. Dwight prend alors le volant pour aller se venger de l’homme responsable de sa vie misérable.

Critique de Tootpadu

Chaque fois que l’on croit savoir à quoi s’en tenir avec le deuxième film du réalisateur Jeremy Saulnier, il prend un virage surprenant pour conduire le récit vers d’autres rives. D’abord le portrait saisissant de la face cachée de l’Amérique, de ses laissés-pour-compte qui risquent l’humiliation simplement pour satisfaire leurs besoins hygiéniques les plus basiques, il prend ensuite la voie d’un thriller de vengeance pas comme les autres. Or, c’est justement parce que nous savons pertinemment d’où vient le malheureux protagoniste de Blue Ruin que la violence de sa croisade résonne avec autant d’ambiguïté.

Au fond, Dwight est un faible et un lâche, qui s’est probablement lui-même mis à l’écart d’une vie ordinaire après le traumatisme du meurtre de ses parents. C’est un paria en apparence inoffensif, qui provoque avant tout de la pitié auprès de son entourage. Néanmoins, il exécute son plan machiavélique avec une sorte de sang froid qui le mènerait directement à la ruine, s’il était moins chanceux. L’absurdité et le hasard jouent en effet un rôle important au sein d’une histoire au potentiel farceur certain. Il n’en est cependant rien, grâce à l’entrée en la matière si désarmante, que l’on pourrait même la réduire à la première dizaine de plans, c’est-à-dire à la quiétude du bain soudainement anéantie par l’arrivée des habitants de la maison dans laquelle Dwight se prélasse. La mise en scène de Jeremy Saulnier ne s’apitoie point sur le sort du personnage principal. Elle se contente de montrer qu’il ne s’agit nullement d’un criminel, mais juste d’un individu meurtri, voire carrément obsédé par une vengeance qui devient de plus en plus irrationnelle.

Les nombreuses ruptures de ton, sans exception en accord avec les différentes conjugaisons du film noir, s’opèrent avec une telle fluidité, que l’on pourrait croire à un simple exercice de style. Derrière les étapes de la drôle de descente aux enfers de Dwight se cache toutefois une vision assez fataliste du monde. Il a beau afficher une apparence plus soignée une fois que le principal coupable a été éliminé, cet homme porte en lui une noirceur presque déprimante, née de la conception hâtivement manichéenne de la tragédie qui avait bouleversé sa vie.

 

Vu le 1er septembre 2013, au C.I.D., Deauville, en VO

Note de Tootpadu: