Joe

Joe
Titre original:Joe
Réalisateur:David Gordon Green
Sortie:Cinéma
Durée:117 minutes
Date:30 avril 2014
Note:

Joe Ransom essaye de faire profil bas. Suite à de nombreux démêlés avec la justice, il tente de rester à l’écart de toute situation qui pourrait éveiller le côté ténébreux de son tempérament. En tant que responsable d’une colonne de travailleurs forestiers, il mène au quotidien une vie simple et ordonnée. Jusqu’à l’arrivée du jeune Gary, qui cherche désespérément du travail. Cet adolescent, qui reste fidèle à sa famille en dépit du comportement abusif de son père alcoolique, ranime chez Joe une sorte d’instinct paternel à contre-cœur.

Critique de Tootpadu

Deux cœurs battent dans la poitrine de ce film de David Gordon Green, présenté simultanément aux festivals de Deauville et de Venise, qui reflètent la dichotomie de la carrière du réalisateur dans son ensemble. D’un côté, nous avons le regard saisissant, esthétiquement parlant, sur l’innocence perdue de l’imaginaire américain avec ses bourgades désertes et sa campagne qui recèle tant bien que mal un degré avancé de pourriture. Et de l’autre, une sensibilité plutôt contradictoire à l’égard des sirènes de Hollywood, avec ses vedettes mondiales et ses codes narratifs parfaitement huilés. De ce point de vue, Joe peut être qualifié comme le premier film de son réalisateur à réconcilier assez adroitement ces deux versants d’une filmographie restée jusque là inclassable.

Il n’empêche que son portrait social est l’aspect le plus réussi d’un film qui ne s’adonne point au prêche moralisateur. Que ce soit l’ambiance étonnamment réaliste, à la fois dans les paroles et les gestes, parmi les subordonnés en majorité afro-américains de Joe, ou l’alcoolisme sous maintes formes nullement complaisantes, le volet observateur du film se distingue par une justesse de ton exemplaire. On se doute ainsi des sévices abjects dont le père de Gary – une loque humaine comme on en a rarement vu au cinéma – doit se rendre coupable auprès de sa famille malmenée. Avant que l’histoire ne bascule in extremis du côté des représailles plus classiques, c’est toutefois une méchanceté plus diffuse et imprévisible qui prévaut dans ce personnage, qui est le résultat consternant des nombreuses failles du système social américain.

Face à cette authenticité bluffante, Nicolas Cage paraît presque comme un corps étranger au sein d’un film dont il n’arrive jamais tout à fait à tâter le pouls. L’acteur ne sombre certes pas dans ses pires excès de cabotinage, mais son interprétation du rôle principal reste étrangement détaché du reste du film. L’impression ne nous y quitte jamais entièrement que c’est la vedette qui s’attend à ce que le film s’adapte à ses frasques, aussi muselées soient-elles, que le contraire, infiniment plus naturel et crédible, c’est-à-dire la disparition pure et simple du comédien derrière les traits légèrement incomplets de son personnage.

 

Vu le 2 septembre 2013, au Morny, Salle 2, Deauville, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Le cinéma indépendant est un vivier de talents et souvent une terre fertile pour donner à des acteurs des rôles conséquents et marquants. Sur la base du scénario du jeune scénariste Gary Hawkins, le réalisateur David Gordon Green (George Washington, Délire Express, Votre Majesté) nous livre un film fort sur fond de détresse sociale et pauvreté humaine. Le film nous présente deux personnages marquants celui de Joe Ransom (impressionnant Nicolas Cage) et Gary (Tye Sheridan).

L’Amérique profonde n’est pas souvent illustrée au cinéma car guère attractive et surtout difficilement vendable. Ce film nous dresse donc le portrait d’un alcoolique Joe Ransom, un brûlé vif qui partage son temps entre son travail (chef d’équipe d’employés devant abattre des arbres)  à boire et fréquenter des prostituées. Le hasard de la vie lui fera rencontrer un jeune adolescent Gary dont le père le martyrise de plus il  est alcoolique et bon à rien. Joe et Gary vont sympathiser. Ce dernier va permettre à Joe d’exorciser ses démons en le défendant et lui redonnera sa dignité.

Loin des comédies américaines grand public, le réalisateur tel le personnage interprété par Nicolas Cage témoigne par son film de sa volonté d’une rédemption cinématographique et d’abandonner les films mineurs pour nous livrer un grand film. La société de production Worldview Entertainment (Blood ties, Killer Joe, Welcome to the punch) permet ainsi à ce réalisateur de nous livrer un grand film, celui d’une peinture sociale d’une Amérique perdue car en manque de repères moraux et religieux. Dans ce monde où seule la raison du plus fort domine, le personnage de Joe Ransom est un peu le gardien d’un équilibre entre les forces du bien et du mal. Non pas que sa ligne de conduite soit parfaite (voir la scène où son chien combat un autre agressif et hargneux) mais il se veut le protecteur d’une innocence bafouée.

Le personnage interprété par Tye Sheridan est un des éléments qui fait de ce film un film à voir impérativement. Le jury du festival de Venise où ce film à été présenté en compétition ne s’est pas trompé en lui remettant le prix Marcello-Mastroianni du meilleur espoir. A 16 ans ce jeune comédien a une filmographie quasi-parfaite en ayant joué avec de grands réalisateurs que sont Terence Malick (The Tree of Life), Mud (Jeff Nichols) et bien entendu David Gordon Green.

Joe aurait dû concourir dans la sélection officielle du festival du cinéma américain de Deauville car même si l réalisateur est expérimenté, son film s’apparente à un film indépendant (budget étriqué, décors naturels, casting réduit). Certes la présence de Nicolas Cage apporte un cachet illustre au film mais cet acteur en quête de reconnaissance d’un public perdu suite à ces derniers films de qualité négligeable semble déterminé à reprendre sa carrière en main et avec une sobriété qui impose le respect.

Vu le 2 septembre 2013, au Morny, Salle 2, Deauville, en VO

Note de Mulder: