Night moves

Night moves
Titre original:Night moves
Réalisateur:Kelly Reichardt
Sortie:Cinéma
Durée:113 minutes
Date:23 avril 2014
Note:

Josh et Dena sont des écologistes engagés. N’ayant participé jusqu’à présent qu’à des actions militantes pacifiques, ils prévoient de frapper les consciences grâce à l’explosion d’un barrage hydroélectrique. Après avoir acheté le bateau qui est censé porter la charge explosive, ils rejoignent leur complice Harmon près de l’endroit de l’attentat. Les activistes radicaux ont tout prévu jusqu’au moindre détail. Mais leur plan et ses conséquences vont mettre leurs convictions à rude épreuve.

Critique de Tootpadu

En principe, nous soutenons corps et âme la cause écologique. La protection et la préservation de notre habitat naturel devraient primer sur presque toute autre considération politique et éthique. Toutefois, c’est bien notre avis théorique, puisque dans la réalité, la complexité des questions liées à l’environnement et les quelques relents ringards du mouvement freinent sensiblement notre enthousiasme et notre volonté d’engagement. L’œuvre de la réalisatrice Kelly Reichardt ne nous a pas semblé, jusqu’à présent, particulièrement militante non plus. Son univers est au contraire marqué par un don de l’observation, plus ou moins intrigant selon les films. Dans le meilleur des cas, le cinéma de Reichardt s’emploie à une sublimation de la banalité et de l’errement de personnages passablement déboussolés. Il peut alors surprendre que son cinquième film adopte une cause trop importante pour la laisser végéter dans un laisser-aller sans but.

Au début de Night moves, les deux personnages principaux prennent l’allure d’écologistes caricaturaux : ils inspectent un barrage quant à sa conformité aux normes, ils s’extasient devant le cri d’un oiseau rare, et ils participent au débat suite à la projection d’un documentaire engagé dont le ton est si appuyé et passe-partout que l’on pourrait aisément le prendre pour une parodie. Cette description de jeunes sans doute bien intentionnés, mais obnubilés par le fonctionnement inoffensif du mouvement aux Etats-Unis, aurait presque de quoi nous agacer, tant elle copie des clichés guère séduisants sur l’écolo type. Heureusement, le récit s’en défait rapidement, pour mieux se pencher sur la détermination sourde avec laquelle les trois criminels improvisés mettent leur plan machiavélique en application. Malgré une préparation tout sauf perfectionniste et quelques contretemps passagers, ce virage vers la clandestinité leur réussit plutôt.

C’est alors que s’engage le troisième mouvement du film, celui des scrupules et des reproches qui mènerait inéluctablement vers une morale réactionnaire, si la narration très calme et neutre ne l’en empêchait pas. Il y a en effet une sorte de flegme pesant qui plane sur ce film, certainement un des thrillers les moins haletants que nous ayons pu voir. L’absence de suspense est néanmoins comblée par un malaise étrange que les interprétations de Jesse Eisenberg et de Dakota Fanning dégagent. Aucune joie ou satisfaction n’émane de leur jeu, juste l’impression qu’ils se sentent en permanence mal dans leur peau, peu importe l’énergie qu’ils investissent dans leur projet destructeur. Ils véhiculent ainsi un des thèmes phares de Kelly Reichardt : l’ennui et son emprise sur la vie quotidienne.

Cela ne signifie par contre pas nécessairement que la lassitude des personnages se propage jusqu’au spectateur. Ce dernier aurait cependant tort de s’attendre à une rupture de style tonitruante de la part d’une réalisatrice, qui paraît détester avant toute chose la précipitation, peu importe que ce soit celle de son expression filmique ou celle des actes de ses personnages.

 

Vu le 5 septembre 2013, au C.I.D., Deauville, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Dans une société dans laquelle les médias sont muselés et dans certains cas contrôlés par de grands groupes industriels attirer l’attention du public sur l’aspect écologique est souvent synonyme d’actions spectaculaires (Greenpeace) voire de terrorisme. Cet aspect est parfaitement illustré par le cinquième film de Kelly Reichardt (River of Grass, Old Joy, Wendy and Lucy, Meek’s Cutoff). Le scénario de ce dernier a été co-écrit avec Jonathan Raymond. Ce film a également fait l’objet de controverses car le producteur Edward R Pressman a attaqué en justice les producteurs du film car celui-ci entretient trop de similarités avec le livre de Edwar Abbey , Le gang de la clef à molette (The Monkey wrench Gang). Ce livre doit être adapté prochainement à l’écran par les réalisateurs Henry Joost et Ariel Schulman.

L’approche du film de Kelly Reichardt se rapproche assez de celle d’un documentaire dans le sens que le réalisateur suit ses trois personnages principaux Josh Stamos (Jesse Eisenberg), Dena Brauer (Dakota Fanning) et Harmon (Peter Sarsgaard) minutieusement tout au long de leur préparation de l’explosion d’un barrage hydroélectrique. Certes le fait de suivre cette préparation est des plus intéressantes mais elle aurait gagné à être plus courte. Le film se compose de ce fait de trois segments distincts : la préparation de cet acte de terrorisme, l’acte de terrorisme en quasi temps direct et enfin les conséquences dramatiques de leur action suite à la mort d’un campeur se trouvant près de ce barrage. 

Le film est très réussi car il témoigne du plus grand soin apporté par son réalisateur malgré un très faible budget à s’entourer de brillants acteurs et à donner une réelle épaisseur psychologique à ceux-ci. Loin des carcans des films commerciaux traditionnels, ce film pourra rebuter par sa forme les adeptes du cinéma pop corn aussitôt vu , aussitôt oublié. Reste que l’acteur Jesse Eisenberg continue à nous impressionner par sa volonté de s’investir autant dans de grosses productions commerciales (Le Village, The social network,Insaisissables) qu’indépendantes (Jewish Connection, To Rome with love)

Enfin, on signalera que Night moves a remporté à la grande surprise du public le Grand Prix du 39ème festival du cinéma américain de Deauville.

Vu le 5 septembre 2013, au C.I.D., Deauville, en VO

Note de Mulder: