Charlie Countryman

Charlie Countryman
Titre original:Charlie Countryman
Réalisateur:Fredrik Bond
Sortie:Cinéma
Durée:104 minutes
Date:14 mai 2014
Note:

La mort de sa mère attriste profondément Charlie Countryman. Son fantôme lui apparaît alors et l’incite à partir à Bucarest, afin de mettre de l’ordre dans sa vie. Dans l’avion, Charlie se lie d’amitié avec Victor, un Roumain qui était parti en Amérique pour voir un match de baseball. Victor meurt soudainement pendant le vol. Son fantôme prie Charlie d’apporter un chapeau souvenir à sa fille Gabi. L’immigré en deuil s’acquitte promptement de cette tâche et ne manque pas de tomber amoureux de la belle violoncelliste, encore mariée au ténébreux Nigel.

Critique de Tootpadu

Pour une fois, ce n’est pas notre cible de raillerie habituelle qui pose problème dans ce premier film. Le sujet filmique des Américains à l’étranger est en effet traité à travers les poncifs classiques dans cette histoire d’un jeune adulte, qui part sur un coup de tête venu de l’au-delà à l’autre bout du monde. Au moins, les plus révoltants d’entre eux nous restent heureusement épargnés, bien que l’on se demande quand même s’il vaut mieux être représenté par des ambulanciers défoncés et des policiers aux méthodes musclées ou par l’éternel cliché indécrottable des gitans voleurs. De toute façon, cette plongée dans la vie déroutante de la capitale roumaine ne prétend pas à refléter la réalité, mais à se fourvoyer irrémédiablement dans le délire narratif de son réalisateur, sur fond d’un scénario lui aussi difficile à appréhender.

Nous avons commencé à décrocher de The Necessary Death of Charlie Countryman au plus tard quand l’âme de la mère du protagoniste expire sous forme d’un esprit en effets spéciaux voyants. Par la suite, les choses ne s’arrangent jamais puisque, de fil en aiguille, l’histoire enchaîne les écarts farfelus sans savoir comment revenir sur l’essentiel. En plus, la suite de séquences complètement disparates ne procure même pas la satisfaction de voir une bonne idée, par ci par là, menée jusqu’au bout d’un raisonnement narratif sans queue, ni tête. Il n’y a donc pas seulement rien à comprendre à cette intrigue qui paraît se réinventer en cours de route pour sombrer à chaque bifurcation un peu plus dans le crétinisme scénaristique, mais elle comporte en plus son lot important de frustrations face à un voltage dramatique si mal dosé.

Plutôt que de lui attribuer le qualificatif douteux d’une inventivité débordante, nous considérions davantage la réalisation comme hautement bancale et esthétiquement démodée. Il faudra en fait remonter une vingtaine d’années en arrière, au beau milieu des années 1990, pour trouver des récits aussi alambiqués que celui-ci. La surenchère formelle, avec le faux pas inexcusable du ralenti au moindre sursaut dramatique, finit ainsi par noyer l’histoire. Cette dernière aurait pu être au moins joyeusement déjantée ou lourdement mélodramatique – à la Baz Luhrmann par exemple –, au lieu de se vautrer misérablement dans une bouillie filmique aussi mal en point que la tronche de Shia LaBeouf, dégoulinant de sang, de bave et de larmes versées en vain.

 

Vu le 5 septembre 2013, au Morny, Salle 2, Deauville, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Ce film a divisé notre rédaction. Autant j’avoue qu’il est pour moi l’un de mes deux préférés de ce 39ème festival du cinéma américain de Deauville (le premier étant Snowpiercer, Le Transperceneige), autant mon plus fidèle ami et collaborateur ne l’a pas apprécié. Rares sont pourtant les premiers films portant la patte d’un réalisateur maîtrisant totalement sa direction d’acteurs, la manière de rendre compte de l’action et surtout associer aussi parfaitement la musique omniprésente à l’image.

Le réalisateur Fredrik Bond avant de passer à la réalisation de son premier long métrage a réussi à se faire connaître par d’excellents films publicitaires qu’il a écrit et réalisé (Heineken, JC Penney, Smirnoff, Stella Artois..). Un de mes préférés  assez représentatif de son premier film est Demon Baby (Volkswagen). On retrouve ainsi dans son premier film un mélange de genres parfaitement maîtrisé. Maîtrisant parfaitement le langage visuel, Fredrik Bond nous livre un film aux multiples inspirations et rebondissements. Contrairement à tous ces films fades où nous devinons dès le début leur fin, le réalisateur nous propose sa propre vision sous acide de Alice au pays des merveilles dans laquelle un jeune homme charlie (ShiaLaBeouf dans son meilleur rôle à ce jour), suite au décès de sa mère va se retrouver projeter dans un pays qu’il ne connaît pas Bucarest et y trouver un sens à sa vie et surtout l’amour.

The necessary death of Charlie Countryman est telle une musique rock parsemée d’oppositions lyriques. Le réalisateur maîtrise parfaitement autant le sens de la comédie que du drame. De la comédie, son film se rapproche beaucoup par sa vision planante de Trainspotting de Danny Boyle. Pourtant, le réalisateur arrive à y injecter sa propre vision tels les grands réalisateurs. Du drame, il en tire une course poursuite effrénée dans les rues de Bucarest rappelant le choc que fut True Romance de Tony Scott. Loin d’être un simple décalque de ces films précités, le réalisateur nous livre un film euphorisant et magistralement orchestré.

Comme tout metteur en scène de films publicitaires, Fredrik Bond peut s’appuyer sur une utilisation parfaite d’une des meilleures bandes- son découverte au travers d’un film. Le compositeur Moby a signé la plupart des morceaux illustrant parfaitement  le film  (mention spéciale à la scène de la discothèque et de la poursuite dans le métro). Mais, on trouvera également présent M83, Sigur Ros. L’utilisation de sa bande- son incroyable fait de ce film une pure réussite. 

Nous sentons bien ainsi à travers ce premier film que le réalisateur a réagi parfaitement pour en faire un film marquant et  permettant ainsi de se faire reconnaître par un plus large public. Loin d’une vision aseptisée présente dans les films de ce genre issus des grands studios, le réalisateur ose apporter des idées performantes quitte à casser l’image de certains de ces interprètes. Ainsi à l’image de Rupert Grint (Ron Weasley de la saga Harry Potter), il fait de son personnage Carl un excentrique souhaitant faire carrière dans le cinéma pour adulte et se retrouvant sous acide et de plus souffrant d’un excès de consommation de Viagra. Le réalisateur transfigure ainsi chacun des personnages principaux et secondaires et leur donne ainsi une réelle épaisseur. Il s’appuie ainsi sur un casting parfait de seconds rôles (Mads Mikkelsen, Rupert Grint, Melissa Leo, Til Schweiger, Vincent d’Onifrio) et surtout donne  Shia LaBeouf et Evan Rachel Wood leurs rôles le plus important depuis très longtemps.

La réussite de son film tient aussi beaucoup au couple principal du film. A la grâce de Evan Rachel Wood ( Thirteen, King of California, the Wrestler, Whatever Works, les marches du pouvoir) vient s’ajouter la présence énigmatique de Shia LaBeouf (Constantine, Paranoiak, Transformers, Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal, l’œil du mal). Fredrik Bond aime  beaucoup travailler avec des acteurs venant de différents milieux et cela se ressent à chaque image de son film.

The Necessary Death Of Charlie Countryman est donc un film choc et puissant qui vous donnera envie de le revoir une seconde fois. Il témoigne pour un premier film d’une maestria très rare et fait de son réalisateur Fredrik Bond un grand à suivre et  nous attendons donc avec impatience son nouveau film.

Vu le 5 septembre 2013, au C.I.D., Deauville, en VO

Note de Mulder:

Critique de Noodles

Charlie Countryman constitue le premier pas dans le cinéma d’un réalisateur  suédois tout droit sorti du milieu de la publicité et du clip. On lui doit notamment de nombreux spots publicitaires pour diverses marques de boissons alcoolisées comme Heineken, Guinness, ou encore Stella. Pour son premier long métrage, Fredrik Bond a su s’entourer d’un casting alléchant : on peut en effet y retrouver Shia LaBeouf, Mads Mikkelsen, Evan Rachel Wood, et Rupert Grint. Très empreint du cinéma de Dany Boyle, dont l’influence est parfaitement assumée par le réalisateur, Charlie Countryman ne manquera pas de nous rappeler certains de ses films comme Slumdog Millionaire et surtout Trainspotting. Ce récit d’une véritable plongée au cœur de l’inconnu qui se veut une expérience déroutante n’a pas manqué de diviser la critique lors des festivals de Deauville, Sundance et Berlin.

Très vite, Charlie Countryman se présente comme le prototype du film pour le cinéma réalisé par quelqu’un provenant du monde de la pub. En effet, il possède toutes les qualités propres à un travail publicitaire : on sent que l’aspect technique de la réalisation n’a pas du poser beaucoup de problèmes à Bond, et le visuel psychédélique de cette œuvre sous acide est parfaitement réussi. De plus, certaines scènes témoignent d’une réelle maitrise de la relation images/musique, et la bande sonore où apparaissent des artistes comme Moby, The XX ou encore M83 insuffle un rythme effréné au film. On retient à ce titre la scène de poursuite dans le métro, ainsi que celle du trip sous ecstasy dans l’auberge de jeunesse. Ces séquences nous prouvent peut-être que les moments les plus jouissifs et aboutis de Charlie Countryman sont ceux qui se rapprochent de l’aspect du clip.

Malheureusement, tous ces éléments ne parviennent pas à dissimuler la pauvreté du scénario écrit par Matt Drake, qui nous avait déjà infligé celui du film Projet X (2012). Ici, le choix scénaristique le plus nébuleux est certainement d’ajouter au film des éléments relevant du fantastique, comme les dialogues entre Charlie et des personnes mortes, ou encore l’âme qui s’échappe de la bouche de sa mère lorsqu’elle décède. Une association si confuse de drogues hallucinogènes et de vie après la mort est-elle due à l’influence d’Enter the Void (2009) ? En tout cas, le résultat obtenu n’arrive pas à la cheville de l’expérience cinématographique rare qu’est le film de Gaspard Noé. Plutôt que de s’égarer dans cette énigmatique direction, on aurait souhaité que l’intrigue principale soit davantage travaillée.

De plus, même si le duo d’acteurs principaux fonctionne bien à l’écran, il apporte avec lui une surcharge mélodramatique et une forte dose de romantisme dont le film aurait bien pu se passer. Les performances d’acteurs sont pourtant loin d’être mauvaises, y compris celle de Shia LaBeouf qui interprète avec brio le rôle d’un punching-ball humain.

En somme, Charlie Countryman nous laisse supposer que Fredrik Bond est un réalisateur à suivre, mais ce dernier a encore beaucoup à apprendre du Septième Art. Son expérience dans la publicité n’a pas suffit à nous livrer un travail complètement convaincant.

Vu le 17 Mars 2014, au Club Marbeuf.

Note de Noodles: