Thomas L'imposteur

Thomas L'imposteur
Titre original:Thomas L'imposteur
Réalisateur:Georges Franju
Sortie:Cinéma
Durée:94 minutes
Date:05 mai 1965
Note:

En 1914, les troupes allemandes approchent de Paris. Tandis que l’ambiance dans son milieu aristocrate est à la morosité et au défaitisme, la princesse de Bormes, une jeune veuve courtisée par l’éditeur plus âgé Pesquel-Duport, organise un convoi humanitaire destiné à rapatrier les blessés du front. Son action risque de tomber à l’eau, faute de laissez-passer délivré par les autorités militaires pour les civils. Ce n’est que l’arrivée inattendue de Guillaume Thomas de Fontenoy, neveu d’un célèbre général, chez la princesse qui débloque la situation. Grâce à son intervention et au nom prestigieux qu’il porte, de Bormes pourra mener à bien son projet.

Critique de Tootpadu

La guerre, ce cataclysme humain, politique et historique, est étudiée depuis un point de vue plutôt étonnant dans cette adaptation du roman de Jean Cocteau. Le conflit armé en lui-même y apparaît la plupart du temps comme un spectre au loin, comme une menace diffuse dont il vaut mieux ne pas trop s’approcher et qui laisse néanmoins ses séquelles atroces éparpillées aux yeux des personnages. Ce n’est point un récit héroïque, bien que le ton bascule de plus en plus vers le conte de fées, à la texture macabre certaine. Chacun des personnages s’y identifie par rapport à la guerre, mais sans y prendre part activement. Leur action, qu’elle soit de l’ordre de l’humanitaire ou de l’imposture innocente, n’est pas tant une réaction viscérale aux différentes étapes de l’offensive allemande, qu’un drôle de théâtre parallèle, une bulle poétique dans laquelle la vie fait irruption avec une cruauté abrupte.

La mise en scène de Georges Franju sait adroitement rendre fascinant, en termes cinématographiques, ce vague à l’âme qui accable les personnages. Elle lorgne discrètement vers le romantisme, qu’elle esquisse plus qu’elle ne l’appuie, avant de se résigner à une structure assez déliée des rapports entre les préoccupations des uns et des autres, jamais explicitement définies. La voix off de Jean Marais, l’alter ego par excellence de Cocteau, ne s’emploie pas non plus à attribuer des rôles clairement établis aux bienfaiteurs et aux parasites. Elle s’amuse au contraire à brouiller davantage les pistes, c’est-à-dire à interroger avec malice les motivations et les frustrations de la princesse et de la cour officieuse qu’elle s’est créée, plus par oisiveté que par altruisme.

La vie ne vaut pas chère en temps de guerre, et pourtant, Thomas L’imposteur évoque subtilement l’importance de l’individu dans le cours implacable du destin. Il ne s’agit ici ni d’une grande fresque historique, ni d’une intrigue à l’eau de rose qui guérirait même le deuil ultime. Juste d’une fable aussi modeste qu’intelligente qui faisait revivre l’horreur de la guerre avec une sobriété réaliste. Un souvenir déplaisant qui a dû résonner encore plus dans la France du milieu des années 1960, à peine remise de la guerre d’Algérie.

 

Vu le 10 octobre 2013, à la Cinémathèque Française, Salle Henri Langlois

Note de Tootpadu: