Quai d'Orsay

Quai d'Orsay
Titre original:Quai d'Orsay
Réalisateur:Bertrand Tavernier
Sortie:Cinéma
Durée:114 minutes
Date:06 novembre 2013
Note:

Le jeune diplômé Arthur Vlaminck est convoqué au Quai d’Orsay. Il a repoussé le plus longtemps possible ce rendez-vous d’embauche pernicieux, qui le mettra nez à nez avec Alexandre Taillard de Worms, le flamboyant ministre des affaires étrangères. Arthur a beau être de gauche, il succombe au charme de ce politicien charismatique de droite, qui le charge du langage. Derrière cette appellation vague se cache en fait la responsabilité de rédiger les discours de Taillard, dont celui, très important, devant l’assemblée générale des Nations Unies. Le débutant se plonge corps et âme dans son travail, qui lui fera découvrir l’envers du décors du cabinet de ce ministre clef de la politique française.

Critique de Mulder

Sur la base du scénario de Bertrand Tavernier (également réalisateur) co-écrit avec les deux créateurs de la bande dessinée servant de base à ce film Christophe Blain et Antonin Baudry, le film permet de traiter avec une certaine ironie des tribulations des personnes travaillant au ministère des Affaires étrangères. Ce microcosme permet ainsi de découvrir un fond de vérité de ce qui se passe réellement dans un ministère et au vu du résultat cela semble être un lieu de pressions permanentes, de grands stress et pourtant très enrichissant.

Antonin Baudry pseudonyme de Abel Lanzac a ainsi traduit avec l’aide de Christophe Blain dans une bande dessinée son expérience de conseiller du premier ministre Dominique Villepin sur les questions de culture et d’économie internationale. Son personnage prend donc vie sous le jeu de Raphaël Personnaz (Marius, Au bonheur des ogres..). Force est de constater que le choix du réalisateur de prendre cet acteur convient parfaitement au film et nous permet de se divertir intelligemment.  De la même manière les autres rôles sont parfaitement castés et on retrouve ainsi Thierry Lhermitte dans une caricature réussie de Villepin (un de ses meilleur rôles à ce jour), Niels Arestrup, la trop rare Julie Gayet et Thierry Frémont.

Bertrand Tavernier se montre ainsi aussi à l’aise dans le traitement d’un drame (L’horloger de Saint-Paul, Capitaine Cona), qu’un thriller (Dans la brume électrique) que dans une adaptation d’une bande dessinée politique. Il met ainsi en pratique un montage électrisant  plein de recherche au niveau de sa présentation (caméra virevoltante, écran séparé..) au service de ce film plein de vie et de cris. Son film est ainsi une comédie politique intelligente et parfaitement huilée. Certes elle s’adressera plus à un public adulte qu’enfantin mais par son choix de casting original, par un scénario parfaitement maîtrisé ce film se doit d’être défendu et découvert.

Le cinéma français permet comme le montre ce film de prendre des risques, de chercher l’originalité sans pour autant rester  pétri d’un amas de talents divers. Parfait ambassadeur d’un cinéma de qualité, Bertrand Tavernier continue à marquer de son empreinte le cinéma que nous aimons intelligent, racé et enrichissant.

Vu le 10 novembre 2013 au Gaumont Disney Village, Salle 10, en VF

Note de Mulder:

Critique de Tootpadu

Depuis le règne de Dominique de Villepin, le monde politique a connu deux changements majeurs en France, passant tour à tour aux deux extrêmes de l’activité présidentielle, sans que ni l’un, ni l’autre ne soient particulièrement bénéfiques pour la santé de notre démocratie. L’obscurantisme du monde politique français est pourtant resté le même, avec ce monstre tentaculaire et à l’inertie remarquable qui nous ferait presque passer l’envie de remplir notre devoir de citoyen d’aller voter tant qu’on le peut. La mécanique de l’état fonctionne selon un mode opératoire si complexe que, au fond, il n’y a peut-être rien à comprendre à ces stratagèmes de partis qui ne mènent strictement à rien. C’est en tout cas l’approche que paraît adopter le nouveau film de Bertrand Tavernier, décidément en forme ces derniers temps, une satire savoureuse qui s’introduit dans le microcosme de la diplomatie française, sans se faire d’illusions sur la mesquinerie qui y règne, au lieu d’une quelconque vision concrète de notre avenir à l’échelle internationale.

Quai d’Orsay est en quelque sorte la version intellectuelle du Diable s’habille en Prada de David Frankel. Le scénario suit pratiquement la même trame d’une jeune recrue nullement versée aux secrets de la profession qu’elle intègre et de surcroît aux prises avec un supérieur plus grand que nature. Le procédé d’acclimatation est en effet des plus douloureux, avec des remarques désobligeantes sur la tenue du protagoniste comme simple pointe de l’iceberg, fait de coups bas et autres abus gratuits de la part d’une hiérarchie impénétrable. Le dispositif du plongeon sans filet de secours dans la gueule du loup professionnel fonctionne à merveille ici, même si la soumission d’Arthur à ses conditions de travail dégradantes n’est relativisée que par une vie privée elle aussi aux ordres du chef lunatique. Le point de vue du néophyte est d’ailleurs abandonné peu à peu, au profit d’une frénésie des urgences à gérer chaque jour, qui ne laisse guère le temps à la réflexion.

Néanmoins, la mise en scène largement brillante de Bertrand Tavernier, si ce n’est pour quelques choix formels discutables, tels les écrans divisés ou le bêtisier final, et les interprétations d’un formidable ensemble d’acteurs, Niels Arestrup et Thierry Lhermitte en tête, qui – espérons-le – sera enfin sollicité par les électeurs des Césars, confèrent une énergie magnifique au récit. Car dans toute son agitation rocambolesque, ce dernier n’est nullement dépourvu de sagesse, surtout lorsqu’il sait s’achever presque sobrement sur le discours du ministre devant le conseil de sécurité des Nations Unies, probablement le seul fait notable que l’Histoire retiendra du passage de Dominique de Villepin au Quai d’Orsay. Ce qui, malgré tous ses défauts pittoresques, est déjà plus que ce que la plupart de ses confrères peuvent revendiquer pour eux.

 

Vu le 31 décembre 2013, au Publicis Cinémas, Salle 2

Note de Tootpadu: