Yves Saint Laurent

Yves Saint Laurent
Titre original:Yves Saint Laurent
Réalisateur:Jalil Lespert
Sortie:Cinéma
Durée:102 minutes
Date:08 janvier 2014
Note:

A la fin des années 1950, le jeune Yves Saint Laurent monte à Paris pour réaliser son rêve de devenir un créateur de mode pour la prestigieuse maison de haute couture de Christian Dior. Acclamé d’emblée comme un talent prodigieux, il prend la direction artistique de l’entreprise légendaire peu de temps après, suite à la mort du fondateur. Lors du défilé de sa première collection, il attire l’attention de l’homme d’affaires Pierre Bergé, qui deviendra son amant et son pygmalion. Incapable d’assurer son service militaire en raison de problèmes psychologiques graves, Yves Saint Laurent est licencié par Dior et fondera alors avec l’aide de Bergé sa propre maison de haute couture.

Critique de Tootpadu

Le genre de la biographie filmique est si peu souple dans sa forme, allant obligatoirement de la jeunesse du personnage central à sa disparition, dans le meilleur des cas sur un ton en rapport avec l’univers du héros, que seul le contenu peut y apporter quelque fraîcheur que ce soit. Après le conte soporifique sur Mandela sorti trois semaines avant ce film-ci, nous voilà face à ce que la France a de plus prestigieux à offrir dans le domaine, les artistes flamboyants remplaçant les politiciens vertueux et charismatiques, une denrée quasiment inexistante chez nous. L’aura de Yves Saint Laurent paraît même si irrésistible et reconnue à l’international que nous aurons droit à un deuxième film sur lui d’ici le mois de mai, cette fois-là avec Gaspard Ulliel et Jérémie Renier dans les rôles principaux sous la direction de Bertrand Bonello. Rarement le fait d’arriver deuxième dans ce cas de figure de doublon cinématographique malheureusement assez courant n’aura été plus préjudiciable pour le retardataire, puisque le Yves Saint Laurent de Jalil Lespert assure haut la main le point essentiel de chaque biographie filmique qui se respecte : condenser toute une vie, avec ses hauts et ses bas, en deux ou trois heures sans accumuler les poncifs et tout en restant fidèle à l’état d’esprit de la personne portraiturée.

Les deux points primordiaux qui ressortent au cours de cette montagne russe d’une vie, marquée par une réussite hors pair côté travail et par une déchéance plus déprimante côté vie privée, sont logiquement la fulgurance et la fragilité du personnage principal. Ils sont également les piliers plus que solides sur lesquels se base l’interprétation magistrale de Pierre Niney, qui ne cherche nullement à enjoliver un caractère loin d’être plaisant, mais qui sait sonder avec une assurance impressionnante les nombreuses zones d’ombre de Yves Saint Laurent. Est-il juste timide et apeuré par le succès qui lui tombe dessus un peu trop tôt, ou bien, derrière l’apparence du garçon à l’allure élancée se cache-t-il un manipulateur maniaco-dépressif, une bête féroce dont l’instinct primaire est la destruction d’elle-même ? La mise en scène élégante se garde de toute conclusion hâtive, veillant simplement à ce que personne n’ait le rôle irréprochable de l’amant trompé ou du génie précoce, incompris en son temps.

C’est d’ailleurs le refus catégorique de dresser coûte que coûte la biographie filmique ultime de Yves Saint Laurent qui rend cette entreprise si séduisante. On y ressent rarement un trait forcé et pourtant, la mise en scène et le scénario débordent carrément de pertinence pour nous transmettre en toute décontraction les passages d’une vie déjà amplement documentée. Il n’y a donc pas grand-chose à tirer de ce film en termes de nouveaux éléments tonitruants. Mais nous avons de toute façon toujours préféré les approches plus intuitives, qui épousent étroitement leur sujet, peu importe ses défauts. Et puis, ce sont avant tout ses lacunes et ses traits de caractère peu commodes qui nous intriguent chez un personnage haut en couleurs comme Yves Saint Laurent, et moins l’aspect factice du monde de la mode qui n’aura a priori été qu’un élément secondaire dans sa lente décrépitude morale et physique.

 

Vu le 28 novembre 2013, au Saint-Germain-des-Près

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Résumer en un film de moins de deux heures le portrait d’un des plus grands couturiers français dont les collections de haute couture sont considérés par certains comme de l’Art tient du pari osé et pourtant amplement réussi.  Après avoir pris la direction artistique de la maison Dior et été licencié par celle-ci suite à son hospitalisation pour dépression nerveuse au Val de Grâce, (il avait été appelé à faire son service militaire), Yves Saint Laurent s’associe à Pierre Bergé (son amant) et créé sa propre maison de couture. Il s’impose alors comme l’un des plus grands couturiers français de renommée mondiale.

Pour faire revivre cette fresque il fallait un réalisateur, un scénario et un casting convaincants. Jalil Lespert réussit aisément dans son quatrième film à rendre le plus beau des hommages à l’un des génies inventifs de notre siècle. Loin de vouloir embellir certains évènements, il nous livre un film qui rend parfaitement crédible l’histoire de cet homme de son enfance à sa mort. Crédité ici non seulement comme réalisateur mais également comme co-scénariste avec Marie Pierre Huster (Amitiés sincères) et Jacques Fieschi (Place Vendome, Coco Chanel, Un balcon sur la mer) son film audacieux s’appuie également sur un casting très convaincant. La présence de deux pensionnaires de la Comédie française Pierre Niney (Yves Saint Laurent) et Guillaume Gallienne (Pierre Bergé) explique une grande part  la réussite de ce film. Aussi convaincant l’un que l’autre dans leur rôle respectif, ils permettent ainsi aux spectateurs de s’attacher émotionnellement à ces personnages. Dans les rôles féminins principaux, on retrouve également Charlotte Le Bon (très convaincante) et Laura Smet.

Le soin apporté aux détails dans le film par le réalisateur et surtout l’appui de Pierre Bergé permet ainsi de mieux connaître Yves Saint Laurent en dehors du fait d’être pour beaucoup uniquement une marque réputée. Le réalisateur a ainsi pu filmer notamment dans l’appartement parisien où a vécu YSL ainsi que dans son atelier et bien entendu dans le jardin Majorelle réputé de Marrakech. Le réalisateur a également eu pour étayer son film à sa disposition les vêtements originaux de certains défilés. Pierre Niney s’impose également comme étant un Yves Saint Laurent plus vrai que nature en reproduisant aussi bien la gestuelle que la manière de s’exprimer de Yves Saint Laurent. 

Enfin, loin d’être une de ces biopic enjolivé, le film de Jalil Lespert montre aussi bien le personnage de Yves Saint Laurent aux travers ses qualités mais également ses fêlures. C’est en cela que son film est non seulement un grand film d’auteur mais aussi le plus beau des hommages post mortem rendu à un des personnages les plus importants de l’art contemporain.

Vu le 20 décembre 2013 au Gaumont Champs-Elysées Marignan, Salle 2

Note de Mulder: