Va et vient

Va et vient
Titre original:Va et vient
Réalisateur:João César Monteiro
Sortie:Cinéma
Durée:175 minutes
Date:18 juin 2003
Note:

Le veuf João Vuvu est un vieil homme qui vit seul dans son appartement à Lisbonne. Il est à la recherche d’une femme de ménage. Mais celles qui répondent à son annonce font tout chez lui, sauf le ménage. Tous les jours, João Vuvu prend le bus pour se rendre au parc. Il attend avec impatience la libération de son fils Jorge, incarcéré pour avoir tué deux policiers.

Critique de Tootpadu

Le cinéma portugais ne produit pas grand-chose, mis à part des vieillards à l’esthétique très particulière. Aux côtés de Manoel De Oliveira, l’éternel, il y a eu João César Monteiro, qui, à l’opposé de son confrère, fuyait l’académisme épuré comme la peste. Ses films étaient généralement très longs et formellement exigeants, avec des plans-séquences qui testent la patience du spectateur. Mais derrière ce style artistique se cache une espièglerie existentielle, qui fait passer, grâce à son approche iconoclaste, les près de trois heures de film au cours desquelles il ne se passe essentiellement rien. En somme, João César Monteiro était le reflet irrespectueux de son aîné, peut-être jamais plus que dans ce film testament, dont la première cannoise a eu lieu trois mois et demi après le décès du réalisateur.

Pourtant, Va et vient n’a rien d’une ode mortuaire, comme le sont ces autoportraits nombrilistes d’Alain Cavalier qui enregistre les moindres signes de sa décrépitude physique. Le corps du réalisateur, présent dans pratiquement tous les plans, ne dégage certes pas une impression de santé irréprochable. Mais son agilité permanente, avec sa façon de se déplacer comme un lutin licencieux, respire une volonté de vivre irrésistible. Son personnage ne s’apprête point à mourir, il s’évertue au contraire à faire un ultime pied de nez au destin et aux conventions d’une société, qui aimerait déjà le mettre au rebut. Le thème principal de cette résistance vitale est la sexualité, exprimée avec peu de vulgarité, mais beaucoup de volupté. Le plaisir qu’elle procure s’opère la plupart du temps par des drôles de moyens de substitution, dont le plus aberrant est ce gode immense qui a failli avoir la peau de João Vuvu. Or, c’est précisément ce ton fantaisiste et empreint d’une innocence enfantine, qui fait le charme des tirades décalées du protagoniste, guère graveleux.

Enfin, la mise en scène établit ce rapport hélas devenu trop rare entre l’image, la parole et, en dernier recours, le spectateur, qui demande un effort considérable à ce dernier, tout en sachant le récompenser par quelques moments de grâce cinématographique. Pendant que le personnage principal s’attaque, avec un esprit de subversion certain, aux mythes de notre civilisation chrétienne, les compositions en ombres chinoises et les longues parenthèses curieuses, comme le retour en boucle de la jeune fille en vélo ou l’ultime plan fixe de l’œil, fournissent un arrière-plan visuel tout à fait à la hauteur des ambitions de ce projet intellectuel et irrévérencieux à la fois.

 

Vu le 18 décembre 2013, à la Cinémathèque Française, Salle Georges Franju, en VO

Note de Tootpadu: