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Titre original:R
Réalisateur:Tobias Lindholm, Michael Noer
Sortie:Cinéma
Durée:100 minutes
Date:15 janvier 2014
Note:

Rune arrive en prison afin d’y purger une peine de deux ans. Dès les premiers jours, il est la cible des brimades des autres détenus, qui l’obligent à tabasser un prisonnier du bloc des étrangers, s’il ne veut pas lui-même être inquiété de la sorte. Désormais le larbin de son bloc, obligé de tout nettoyer et de supporter les moindres abus psychologiques des anciens, Rune trouve un moyen pour affirmer son rôle au sein de la prison grâce à Rashid, arrivé sur le même transport que lui. Ensemble, ils gèrent le transfert des drogues de contrebande d’un bloc à un autre, un trafic qui ne tarde pas à attirer la convoitise des autres dealers.

Critique de Tootpadu

Les cellules ont beau être aménagées d’une manière conviviale et les conditions de détention présenter quelques facilités humanitaires, le quotidien des prisonniers au Danemark n’est pas pour autant une partie de plaisir. Peu importe en effet le cadre, ce qui y détermine le degré de sauvagerie ce sont les détenus, des parias de la société soi-disant civilisée, qui font leur propre loi dans leur microcosme étouffant. Ce premier film, sorti un peu tardivement en France, au point que les deux réalisateurs Tobias Lindholm et Michael Noer ont depuis déjà poursuivi leur carrière séparément, rappelle sans fioriture que la vie en prison est un cauchemar permanent, sans le moindre espoir d’en sortir indemne. Le protagoniste de R fait pourtant preuve d’ingéniosité pour tenter d’améliorer sa position dans la hiérarchie impitoyable de son bloc. Mais en fin de compte, cet instinct de survie n’aura servi à rien, face à la mécanique nihiliste d’une institution qui broie les hommes au lieu de les rendre plus sociables.

La normalité n’est nullement de rigueur au sein d’un récit, qui s’efforce au contraire à ne jamais relâcher la tension qui pèse sur Rune, et par conséquent sur le spectateur. Peu d’options se présentent à cet homme ordinaire, une petite frappe isolée, qui ne peut compter que sur elle-même pour subsister dans un environnement hautement hostile, derrière la fausse apparence d’une banalité imposée par l’oisiveté des détenus. Sa rencontre avec Rashid, lui aussi enfermé en bas de l’échelle sociale de la prison, va lui procurer l’illusion d’un espace pour respirer. Ce n’est guère de l’amitié, mais au moins pour la première fois un rapport d’égal à égal et donc a priori exempt de la menace constante de se faire réprimer. Leur petite ascension commune se terminera bien sûr dans la tragédie, une pente descendante qui correspond parfaitement au ton lugubre du film.

Sans pour autant révolutionner le genre, les deux réalisateurs y apportent leur touche désespérante. Mieux encore, ils réussissent haut la main un pari narratif assez osé, qui renforce admirablement la sensation générale d’abattement que dégage cette prison sans autre force régulatrice que la violence à l’état brut. Car si Rune et ses semblables y traversent un tel calvaire, c’est aussi parce que les gardiens ne se mêlent point des affaires des prisonniers, se contentant simplement de sortir les dommages collatéraux aux crânes fracassés et laissant sinon cette autarcie barbare se réguler par ses propres règles sans honneur.

 

Vu le 6 janvier 2014, à la Salle Pathé Lincoln, en VO

Note de Tootpadu: