Gars du large (Les)

Gars du large (Les)
Titre original:Gars du large (Les)
Réalisateur:Henry Hathaway
Sortie:Cinéma
Durée:105 minutes
Date:18 janvier 1939
Note:

Au début de l’été, les saumons sont de retour en Alaska. Et avec eux les pêcheurs Jim et Tyler, de très bons amis depuis l’enfance qui s’étaient un peu perdus de vue. Tandis que Jim vient de se mettre à son compte en ouvrant une conserverie, Tyler espère gagner suffisamment d’argent pendant cette saison, afin de pouvoir acheter un schooner. Ravis de leurs retrouvailles, les deux amis s’entendent à merveille, jusqu’à l’arrivée de Dian, la fille du journaliste local, qui revient dans la ville de son enfance après avoir terminé ses études. Leur rivalité est encore attisée par le pirate russe Red, qui arrive à recruter Tyler.

Critique de Tootpadu

Lors de la soirée d’ouverture de la rétrospective Henry Hathaway à la Cinémathèque Française, le programmateur en chef Jean-François Rauger s’était efforcé hier de trouver un point commun principal qui traverserait l’œuvre du réalisateur. Alors qu’il avait opté pour la représentation réaliste de la violence, après avoir vu seulement deux films, nous adhérons plutôt à un autre fil rouge également mentionné qui est le regard sur la virilité. La figure des deux hommes complices aux caractères complémentaires qui se disputent la même femme dans Le Jardin du diable est conjuguée d’une manière beaucoup plus complexe dans Les Gars du large. En effet, il ne faudra pas beaucoup d’imagination pour déceler quelques sous-entendus homo-érotiques dans la relation vraiment très proche entre Jim et Tyler.

Ainsi, l’accueil est infiniment plus chaleureux et doux entre les deux hommes, voire entre Tyler et son otarie domestique, que lorsque Nicky, la tenancière du bar, lui donne un coup sur la tête avec un gros poisson pour lui faire comprendre qu’elle n’apprécie guère ses infidélités. Elle ne pense certes qu’à ses aventures pendant l’exil hivernal, mais la proximité appuyée entre les deux amis presque intimes pourrait laisser supposer autre chose. En somme, les femmes sont dépeintes dans ce film comme un attirail peu utile, qui empêche les personnages masculins de faire ce que l’honneur leur impose, pendant que Jim et Tyler s’en veulent un peu trop d’avoir choisi des styles de vie qui finiront forcément par les séparer. Il se peut que cette lecture de l’histoire dans la lignée du phénomène Brokeback Mountain n’ait point été dans les intentions des scénaristes et du réalisateur. Mais les indices s’accumulent avec une régularité un brin trop suspecte pour y voir de la fumée sans feu. Surtout les regards langoureux de Jim indiquent qu’il pourrait y avoir un lien plus fort entre ces deux hommes que ce que la bienséance et la censure morales de l’époque auraient autorisé.

Formellement parlant, la mise en scène routinière de Henry Hathaway paraît plus à l’aise avec les conventions des années 1930 qu’avec le format large des années ’50. Une petite baisse de rythme lors du troisième acte mise à part, le récit jongle donc plutôt adroitement entre la comédie, véhiculée à la fois par le personnage haut en couleur que John Barrymore interprète avec l’autodérision jubilatoire qu’on lui connaît et le camarade animalier, et un drame relativement spectaculaire. Enfin, la curieuse hiérarchie des cultures est une fois de plus d’actualité ici, puisque la mise en valeur des rituels indiens est contrebalancée par une stigmatisation déjà claire et nette du voisin russe.

 

Vu le 9 janvier 2014, à la Cinémathèque Française, Salle Georges Franju, en VO

Note de Tootpadu: