Tonnerre

Tonnerre
Titre original:Tonnerre
Réalisateur:Guillaume Brac
Sortie:Cinéma
Durée:101 minutes
Date:29 janvier 2014
Note:

Après le demi-échec de son dernier album, le rockeur Maxime part prendre du recul à la campagne, dans la petite ville de Tonnerre où il s’installe chez son père. La jeune journaliste Mélodie vient l’interviewer pour le journal local. Maxime continue de la fréquenter et finit par tomber amoureux d’elle, malgré leur différence d’âge. Leur affaire ne dure pas longtemps, puisque Mélodie ne donne pas de ses nouvelles après s’être absentée pendant trois jours.

Critique de Tootpadu

Le temps s’écoule plus lentement à la campagne. Adopter un rythme de vie posé, affranchi du stress qui ponctue notre quotidien dans les métropoles, n’est guère dans l’air du temps. C’est sans doute aussi pour cela que la quiétude bucolique de la province séduit rarement le cinéma français. Elle imprègne néanmoins toute la première partie de Tonnerre, à savoir celle qui nous fait croire d’une façon douce et joyeuse au coup de foudre. Le changement de décor paraît y réussir au protagoniste, un trentenaire affublé des caractéristiques propres à sa génération, c’est-à-dire en retard sur la prise de responsabilité qui vient avec l’âge adulte. Car au fond, Maxime est un grand enfant. A l’apparence peu soignée et à l’humeur joviale, il devient tout de suite attachant, grâce à l’innocence jusqu’à présent inhérente aux interprétations de Vincent Macaigne.

Pourtant, sa douceur bascule subitement dans une forme inquiétante d’obsession, dès qu’il a acquis la certitude que le charme romantique entre Mélodie et lui est rompu. Ce revirement s’accompagne d’un changement assez radical de ton, passant de la comédie insouciante au drame de jalousie sombre. L’aspect auparavant pittoresque du nouvel environnement, où le rockeur en perte de vitesse avait l’air de s’épanouir tranquillement, montre alors sa face cachée. Que ce soit la confession sur des idées très noires de la part d’un fan qui sert de prétexte pour se procurer une arme ou bien la référence au sapin destiné à la gendarmerie en présage du glissement progressif vers la criminalité : plus rien ne va pour l’amoureux éconduit.

Le réalisateur Guillaume Brac fait preuve d’une sacrée hardiesse narrative pour oser couper son film en deux de la sorte. Un pari formel remporté haut la main en raison d’une poésie cinématographique, qui sait révéler la beauté même dans les moments les plus désespérants. Ce sont pourtant ces instants fragiles de doute, juste avant que les choses se concrétisent – en bien ou en mal –, qui nous ont le plus subjugués. Ils sont souvent portés par le regard mélancolique du comédien principal : rêveur, quand il observe sous la neige la chorégraphie de sa future petite amie et à peine plus lucide, lorsqu’il espère avoir rallumé la flamme de leur amour pendant la virée presque finale en barque.

Il n’y a aucune certitude à tirer de ce film doux-amer et encore moins des jugements hâtifs sur des personnages, qui sont tout à fait conscients de leur imperfection humaine. Or, l’adresse de sa narration dans des registres si peu conciliables, à première vue, que la comédie romantique et la tragédie de jalousie en fait un premier film plus que prometteur. En tout cas, il a failli nous convaincre des bienfaits de la province, alors que nous aimons nous considérer comme des citadins complètement conquis par le style de vie parisien.

 

Vu le 16 janvier 2014, au Club de l'Etoile

Note de Tootpadu: