Une promesse

Une promesse
Titre original:Une promesse
Réalisateur:Patrice Leconte
Sortie:Cinéma
Durée:99 minutes
Date:16 avril 2014
Note:

En 1912, le jeune ingénieur Friedrich Zeitz est engagé dans l’usine de sidérurgie dirigée par Karl Hoffmeister. Le travail de sa nouvelle recrue ne tarde pas à attirer l’attention de Hoffmeister qui en fait son bras droit. Quand son patron tombe gravement malade, Zeitz gère d’abord les affaires de l’usine à sa place, avant de devenir son assistant personnel et de s’installer dans sa demeure. C’est alors qu’il fait la connaissance de Lotte, l’épouse de Hoffmeister, sensiblement plus jeune que son mari. Zeitz tombe immédiatement sous le charme de cette femme raffinée, mais n’ose pas lui avouer son amour. Alors que l’état de santé de Hoffmeister se dégrade, son protégé risque de partir au Mexique, afin d’y superviser un projet d’exploitation de mines.

Critique de Mulder

Patrice Leconte qui a gagné une notoriété par ses nombreuses comédies populaires, aussi cultes soit elles (Les bronzés font du ski (1979), Spécialistes (1985)…) est un metteur en scène capable de réaliser également autant de grands films dramatiques (Ridicules (1996), La fille sur le Pont (1999) que des films guère inspirés (Les Bronzés 3 (2006), La guerre des miss (2008)). On sent bien que ce grand réalisateur français souhaite sortir de son carcan de films populaires dans lesquels il s’est involontairement pris au piège pour nous livrer un grand film nettement plus personnel et surtout lui permettant de découvrir de nouveaux horizons. De là est venue sûrement l’envie de réaliser en 2012 un film d’animation original, Le magasin des suicides et maintenant de tourner un film en langue anglaise, un film d’époque.

Une promesse est l’adaptation, voire la réappropriation d’une nouvelle de l’écrivain autrichien Stefan Zweig, le Voyage dans le passé publiée en 1929 mais dont la version complète ne fut éditée qu’en 1976. Cette nouvelle met de nouveau en avant des thèmes forts et très personnels de cet écrivain tels l’exil, une Europe en pleine guerre et un amour résistant au temps et au poids du temps. On peut ainsi voir dans le personnage de Friederich Zeitz campé parfaitement par Richard Madden (Robb Stark dans la série Game of Thrones) une extension de cet écrivain qui connut également une relation avec une femme mariée et mère, Friderike Maria von Winternitz. De la même manière ces personnages comme lui sont jugés inaptes au front et assiste à cette guerre dure et brutale.

Le fidèle collaborateur de Patrice Leconte, le scénariste Jérôme Tonnerre a déjà participé à l’écriture de deux scénarios avec lui, Confidences trop intimes (2004) et Mon meilleur ami (2006). Ensemble ils s’inspirent de la nouvelle Stefan Zweig et se réapproprie cette histoire romanesque  d’un jeune diplôme, d’origine modeste qui devenu le secrétaire particulier de son patron malade tombe éperdument amoureux de l’épouse de celui-ci. On sent tout au long de ce film que le réalisateur est touché par cette thématique que l’amour résiste aux lois du temps. Comme dans cette courte nouvelle, l’histoire se focalise plus sur les personnages pris dans la tourmente de cette guerre mondiale que par la volonté de nous livrer un nième film de guerre. La fin du film montre bien que les deux scénaristes ont voulu s’approprier et réactualiser cette histoire. Pour notre plus grand bien, le film n’en ressort que grandi et apporte un message d’espoir.

De la même manière, loin de nous livrer un film trop académique et trop théatral, le réalisateur nous livre non seulement un très beau portrait de femme moderne et pourtant respectueuse des années 1910. Les trois personnages principaux Charlotte Hoffmeister, Karl Hoffmeister et Friederich Zeitz sont campés respectivement par Rebecca Hall (Vicky Cristina Barcelona (2008), The Town (2010), Iron man 3 (2013) ) , Alan Rickman (Piège de cristal  (1988), Robin des Bois, prince des voleurs (1991), saga Harry Potter (2001-2010)…),  et Richard Madden. Ce casting relève de la perfection tant il permet de donner vie et une réelle profondeur à ces personnages. Le plaisir qu’ont ces comédiens de jouer des rôles permettant de donner libre court à leur talent se ressent à chaque scène. Le réalisateur Patrice Leconte livre ici son meilleur film et surtout montre que son talent si orienté vers une histoire qui lui est proche ne peut que donner naissance à un grand film.

Rebecca Hall nous surprend de nouveau en interprétant cette femme mariée tiraillée entre son devoir d’épouse fidèle et les sentiments qu’elle ressent envers le personnage principal. Ses échanges de regard, de mains qui se croisent nous rappellent à quel point une femme est la plus belle des créatures terrestres. Comme ce film le montre et Baudelaire si bien exprimé dans son poème à Une passante : « Fugitive beauté Dont le regard m'a fait soudainement renaître, Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ? ». Cette phrase résume cette longue période qui va séparer ces deux êtres et finalement leur donner une seconde chance.

Comme dans chacun des films de Patrice Leconte, la musique tient un rôle prépondérant. Le compositeur français Gabriel Yared (Le patient anglais (1996),  La Cité des anges (1998), Chambre 1408 (2007)..) livre ici une partition en adéquation avec  l‘intrigue  et permettant d’illustrer les sentiments portés par ce film.

La promesse de Patrice Leconte de nous livrer un grand film romanesque porté par l’interprétation lumineuse et enjouée de Rebecca Hall est amplement tenue. Trop rares sont ces films d’un metteur en scène que nous connaissons et apprécions et qui arrivent à nous étonner par une grâce subtile.

Vu le 07 février 2014  à la Salle Universal, en VO

Note de Mulder:

Critique de Tootpadu

L’adaptation d’une nouvelle allemande, faite par un réalisateur français, en anglais ! Le nouveau film de Patrice Leconte aurait facilement pu sentir l’euro-pudding, avec toutes ces bifurcations culturelles et linguistiques, dont la pertinence ne nous a pas complètement convaincus. Le réalisateur en personne s’emploie d’ailleurs dans le dossier de presse à l’explication de ce choix curieux, qui se justifie au final par des considérations bassement commerciales. Car s’il avait réellement voulu rester fidèle à la langue d’origine de cette histoire d’amour tortueuse, il aurait pu faire comme son confrère Denis Dercourt, par exemple, dont le film allemand Pour ton anniversaire est sorti en début d’année, dans un contexte fortement plus confidentiel, admettons-le. Toutefois, la sécheresse engoncée de l’anglais sied parfaitement à Une promesse, qui est un de ces sempiternels contes sur une passion romantique impossible.

Friedrich et Lotte s’aiment, mais n’osent pas afficher leur sentiment mutuel au grand jour, surtout pas dans le cadre très traditionnel des grandes fortunes allemandes d’il y a un siècle. Tout l’enjeu dramatique du récit se trouve dans ce désir maladroitement caché et exprimé. Le fort parfum romantique que le film dégage n’est pourtant parasité par aucune propension à l’eau de rose. Il est au contraire le garant d’une pureté, voire d’une austérité du ton qui rend ce destin tragique profondément touchant. Les amants ont ainsi beau n’avoir que leurs propres scrupules et les conventions à peine esquissées de l’époque comme adversaires, leur périple sentimental respire une intensité et une élégance, pour lesquelles le cinéma de Patrice Leconte n’était pas vraiment réputé jusqu’à présent.

Peu importe donc la langue dans laquelle les personnages s’expriment, le réalisateur a su rester en phase avec l’état d’esprit concis de l’histoire de Stefan Zweig. Grâce entre autres à l’interprétation sans faille de ce triangle d’amour langoureux par Rebecca Hall, Alan Rickman et Richard Madden, son film est un exemple plus qu’honorable d’une co-production européenne, qui reflète d’une manière sophistiquée les préoccupations d’une époque et d’un pays précis, au lieu de les rendre insipides après les avoir passées par la moulinette d’un consensus continental.

 

Vu le 19 mars 2014, à la Salle Pathé François 1er, en VO

Note de Tootpadu: