Enfants des nuages

Enfants des nuages
Titre original:Enfants des nuages
Réalisateur:Alvaro Longoria
Sortie:Cinéma
Durée:78 minutes
Date:30 avril 2014
Note:

Longtemps avant que le printemps arabe ne vienne renverser les régimes des pays du Maghreb en 2010, les Sahraouis, les réfugiés du Sahara Occidental, avaient déjà manifesté leur grogne. Retenu dans des camps provisoires en plein désert, cet ancien peuple nomade est pris au piège de la transition inachevée entre la fin de l’ère coloniale espagnole et une indépendance souhaitée, quoique jamais acquise en raison de l’occupation marocaine. Une situation intenable contre laquelle s’insurge l’acteur Javier Bardem, venu à la rencontre des Sahraouis lors d’un festival de films en 2008.

Critique de Tootpadu

La différence est ténue entre le narcissisme et l’activisme utile en matière de vedettes qui viennent défendre au cinéma les causes qui leur tiennent à cœur. Que ce soit l’environnement pour Leonardo DiCaprio ou le Darfour pour George Clooney, pour ne citer que les exemples les plus récents, les projecteurs braqués le temps d’un documentaire bien intentionné sur tel ou tel problème s’éteignent le plus souvent rapidement, sans laisser derrière eux une prise de conscience durable. Il est donc difficile à dire quel sera le résultat à long terme de l’engagement de Javier Bardem en faveur de l’éternel casse-tête géopolitique du Sahara Occidental. Dans l’immédiat, Enfants des nuages, qu’il a produit, ne commet au moins aucun faux pas, susceptible de discréditer sa charge aussi passionnée que bien informée contre une injustice qui s’éternise depuis trop longtemps sous les yeux impuissants de la communauté internationale.

A chaque conflit armé, il y a forcément deux points de vue, deux intérêts irréconciliables qui s’entrechoquent d’une façon plus ou moins virulente. Ce n’est pas faute d’avoir essayé de récolter la version marocaine des faits, mais le documentaire de Alvaro Longoria se fait presque exclusivement le porte-parole des griefs du peuple opprimé. Cette nécessité un brin tendancieuse de choisir clairement son camp ne se traduit pourtant pas par un ton polémique sans fondement. Au contraire, les nombreux intervenants dressent le portrait d’une Histoire régionale qui a dû amplement faire les frais de considérations globales, dépassant largement le quotidien paisible des Sahraouis. Par le biais d’un retour en arrière fort instructif, la narration revient sur la période tumultueuse des années 1960 et ’70, suivie par un statu quo à l’immobilisme lénifiant.

C’est sur cette impasse politique et humanitaire qui n’intéresse plus du tout les médias que le documentaire cherche à attirer l’attention. Une tâche d’autant plus difficile que l’équipe des activistes doit rapidement se rendre compte que les choses ne sont guère appelées à évoluer. Or, c’est précisément sur ce point que le film s’avère le plus instructif : c’est aussi, voire surtout, à cause de l’indifférence généralisée que le peuple privé de parole et d’avenir végète depuis des décennies sur une terre qui n’est point la sienne. Espérons que la petite contribution d’une vedette à l’envergure internationale comme Javier Bardem y change quelque chose. Eveiller la curiosité de nous, porteurs à la fois partiels et potentiels de l’opinion publique, à l’égard d’un vestige de la Guerre froide qui ne devrait plus avoir de raison d’être serait déjà un bon début à l’indignation, qui déclencherait à son tour une véritable action !

 

Vu le 18 février 2014, au Majestic Passy, Salle 2, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

La vocation d’un bon film documentaire est de nous apporter une matière suffisamment consistante pour se forge sa propre opinion sur un sujet clairement défini. A ce titre le film Sons of The Clouds, the last colony (Les enfants des nuages) est un excellent documentaire car il montre non seulement le véritable engagement d’un des meilleurs comédiens actuels Javier Bardem mais également le sort des Sahraouis parqué dans des camps en pleins déserts. Ce peuple nomade se voit prisonnier du changement de régime suite au départ des espagnols qui avaient colonisé leur pays et à l’arrivé de l’occupation marocaine.

Ce documentaire produit par Javier Bardem est aussi le premier du réalisateur Alvaro Longoria. Il met en avant la notamment la responsabilité des Etats-Unis et de la France sur leurs stratégies basées sur le principe de la Realpolitik appliquée au Sahara Occidental. Nous sont ainsi présentés des interviews de différentes personnalités politiques aussi bien espagnoles, américaines que françaises ainsi que des archives montrant les conditions insalubres dans lesquelles vivent ces saharouis. Ce film très polémique est une sorte de patate chaude (terme repris dans celui-ci) sur laquelle les politiciens essayent plutôt  d’éviter d’aborder le sujet pour maintenir des échanges cordiaux avec le Maroc.

Nous sentons à chaque instant que la cause défendue par ce film est une cause noble et que cette peuplade souffre réellement d’un régime visant à faire disparaître leur entité propre. Impossible non plus de ne pas penser aux peuples indiens qui ont été également parqués dans des réserves afin de permettre aux européens et non natifs américains de faire de ce pays ce qu’il est actuellement. Dans un tel contexte, on se rend compte que c’est la valeur des réserves naturelles qui passe de loin avant la protection du peuple. Un tel sujet comme l’énonce à un moment cet excellent plaidoyer est bien un problème non seulement humain mais également économique d’une complexité rare.

Enfin ce documentaire est bien un plaidoyer parfaitement maîtrisé pour attirer notre attention en tant que citoyen mondial sur le fait que nous devons soutenir les Droits de l’homme et rappeler à chaque gouvernement que ceux-ci doivent respecter les règles en vigueur et l’identité de chaque pays. Mission donc accomplie pour le réalisateur et producteur d’attirer l’attention des médias sur la situation de ce peuple et les enjeux politiques et diplomatiques qui en découlent. La projection de ce documentaire très polémique fut suivie d’une toute aussi intéressante conférence de presse que notre site a couverte. Vous pourrez le retrouver sur notre page facebook, sur note page youtube et prochainement sa transcription sur notre site.

 

Vu le 18 février 2014, au Majestic Passy, Salle 2, en VO

Note de Mulder: