Supercondriaque

Supercondriaque
Titre original:Supercondriaque
Réalisateur:Dany Boon
Sortie:Cinéma
Durée:108 minutes
Date:26 février 2014
Note:

Romain Faubert est un hypocondriaque de la pire espèce. Sa phobie des microbes et les frayeurs de santé disproportionnelles font de sa vie un enfer. Toujours célibataire à bientôt quarante ans, Romain n’a que deux amis : son médecin traitant Dimitri qu’il consulte sans cesse depuis dix-huit ans et son collègue Marc. Quand ce dernier meurt soudainement d’une attaque cérébrale, la décision de Romain de changer sa vie et de trouver enfin une copine devient tout à coup plus pressante. Or, c’est à l’endroit le plus improbable pour un maniaque égoïste comme lui qu’il rencontre la femme de sa vie : dans un dispensaire médical pour des immigrés clandestins, fraîchement débarqués en France. Le problème, c’est que Anna, la sœur idéaliste de Dimitri, le prend pour le héros révolutionnaire Anton Miroslav.

Critique de Tootpadu

La figure du malade imaginaire est depuis toujours la source inépuisable d’un humour en mode « mouvement perpétuel ». Il n’y a en effet pas de limites aux blagues à inventer à partir du plus pitoyable des représentants de notre monde moderne, hautement médicalisé. L’engrenage impitoyable des infections – qui n’épargne personne surtout en cette saison hivernale sans fin – crée une paranoïa collective, contre laquelle seuls des organismes moins affaiblis par une hygiène excessive que les nôtres peuvent résister, physiquement et psychologiquement. Faire un film à partir de cette expression caricaturale de nos peurs de contact contagieux était parfaitement dans les cordes d’un comique comme Dany Boon. Celui-ci est certes un réalisateur plus opportuniste que visionnaire, mais il sait en tout cas être parfaitement en phase avec les préoccupations de son public français, qui lui rend bien cette attention complaisante à travers des entrées qui se comptent en millions pour ses derniers films.

La première partie de Supercondriaque est par conséquent une démonstration plutôt plaisante des capacités comiques de Boon, jamais plus hilarant que dans la courte séquence burlesque des contorsions dans le métro pour éviter de toucher quoique ce soit. Son personnage, lui aussi très dans l’air du temps de ces trentenaires qui n’ont toujours pas grandi dans leur tête puisque ils continuent de fuir les responsabilités sociales que leur âge leur imposerait, s’en donne alors à cœur joie dans des pitreries guère intelligentes, mais néanmoins divertissantes. Son angoisse infantile de choper une maladie quelconque le place du côté des exclus volontaires d’un système nullement aseptisé, des avantages duquel on ne peut jouir qu’à condition de prendre des risques.

Ce processus d’intégration auquel est dédiée toute la deuxième partie du film s’avère tout de suite plus problématique. Apparemment lasse de faire patauger le protagoniste dans des flaques de gel antibactérien, la narration change subitement de registre pour donner désormais dans le quiproquo théâtral, sur fond de lutte révolutionnaire dans un pays imaginaire. De moins en moins traumatisé par son hystérie, qui n’est plus qu’un trait de caractère comme un autre, Romain se mue comme par miracle en un tombeur de femmes prodigieux. Ce retournement sans avertissement fait sensiblement baisser le niveau d’humour d’un film, qui était à peine pétillant pour commencer.

Dès lors, nous avons droit à une farce assez pénible, truffée de stéréotypes lourds des deux côtés de la frontière. Les bribes d’insouciance qui rendaient le début du film à peu près prometteur disparaissent complètement, au profit d’une intrigue bancale et dépourvue de l’ironie qui aurait pu sauver cette partie de l’intrigue de l’insignifiance filmique.

 

Vu le 18 février 2014, à la Salle Pathé Lamennais

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

L’année dernière Albert Dupontel nous avait proposé son meilleur film 9 mois ferme qu’il avait scénarisé, réalisé et interprété. Son film nous présentait tous les éléments propres à une excellente comédie populaire mais surtout s’affirmait comme un modèle parfait sur tous points autant scénariste qu’au niveau de la direction d’acteurs et d’une réalisation originale. Avant d’être un acteur réalisateur, il avait fait ses armes sur scène avec deux one man show cultes. Dany Boon tout comme lui a fait ses armes sur scène depuis 1985 avant de passer à la réalisation en 2006 avec une comédie sans grande originalité. En 2008, très inspiré il nous livrait le désormais culte et incontournable Bienvenue chez les Ch’tis (20489303 entrées, record absolu pour un film français). En 2011, malgré une critique guère bonne, le film reçoit un succès important avec plus de huit millions d’entrées. Le film s’effacera face au succès colossal la même année du film Intouchables d’Eric Toledano et Olivier Nakache. Le succès moindre de son troisième aura permis à Dany Boon de nous proposer à ce jour avec Supercondriaque tout simplement son meilleur film.

Après avoir donné sa voix à un bonhomme de neige l’année dernière (La Reine des neiges) et joué avec la comédienne Valérie Bonneton dans le deuxième film, Eyjafjallajökull, du réalisateur Alexandre Coffre, il revient derrière la caméra, écrit le scénario et les dialogues et interprète le rôle principal de la comédie incontournable de l’année. Supercondriaque marque les retrouvailles six ans après Bienvenue chez les Ch’tis du duo Kad Merad / Dany Boon. Ce duo nous rappelle les duos cultes du cinéma français Bourvil/Louis de Funès, Pierre Richard / Gérard Depardieu. Le film permet à Dany Boon de retrouver également le comédien Jérome Commander (qu’il a mis en scène à trois reprises), la comédienne Alice Pol (il avait déjà joué avec elle dans le film Un plan parfait (2011)) et Arthur le temps d’une scène (après la pièce du dîner de cons de Francis Veber).

Le scénario parfaitement maîtrisé permet au comédien Dany Boon non seulement de se donner un rôle exploitant parfaitement son savoir-faire mais permet également de donner aux différents acteurs principaux des personnages parfaitement définis et des scènes totalement irrésistibles. Par son personnage principal supercondriaque dont l’appartement ressemble à une pharmacie, il nous délivre un nombre impressionnant de scènes vouée à devenir culte dans la première partie du film (la scène du métro, la scène de la salle d’attente, la scène du repas chez son ami médecin interprété par Kad Merad). Dommage que la seconde partie se déroulant notamment dans un pays imaginaire le Tcherkistan (pays de l’Est) semble vouloir faire de son personnage un usurpateur d’identité et donc orienter le film vers une autre direction. Il y avait pourtant suffisamment de matière et de talent réunis pour faire de ce film un pamphlet conséquent contre les dangers de l’automédication. Reste que Dany Boon confirme une nouvelle fois qu’il est un digne héritier des grands comiques américains tel Charlie Chaplin dont le film semble être un hommage éclatant. Le visage, la démarche du personnage de Dany Boon se retrouvant dans certaines situations nous font rire pratiquement aux éclats voire aux larmes. Dans cette période difficile, ce film est un véritable vaccin pour un moment de bonheur et de rire malheureusement trop rare actuellement.

Enfin la véritable surprise du film est la présence et l’interprétation très inspirée de la comédienne Alice Pol qui trouve ici son meilleur rôle à ce jour. Dans ses nombreuses scènes aussi bien avec le comédien Kad Merad que Danny Boon elle passe des moments drôles à des moments dramatiques avec une facilité déconcertante. On reconnaît ainsi ici la facilité que Dany Boon a à diriger des comédiens et à en tirer le meilleur. Une nouvelle fois le duo Kad Merad / Danny Boon fait des miracles à notre plus grand bonheur. 

Supercondriaque est donc la comédie française à découvrir en salles pour nous divertir intelligemment mais également nous fait réfléchir à nos défauts et aux moyens de les résoudre. C’est dans ce rôle de catalyseur propre à la réflexion que ce film est plus qu’une simple comédie, un remède à l’anxiété, au pessimisme actuel. 

Vu le 21 février 2014 au Gaumont Disney Village, Salle 01

Note de Mulder: