Grand Budapest Hotel (The)

Grand Budapest Hotel (The)
Titre original:Grand Budapest Hotel (The)
Réalisateur:Wes Anderson
Sortie:Cinéma
Durée:100 minutes
Date:26 février 2014
Note:

Dans sa jeunesse, l’auteur résidait au Grand Budapest Hôtel, un des derniers palaces du Zubrowka, un pays à l’extrémité est de l’Europe. Pendant son séjour dans cet établissement de luxe sur le déclin, il fait la connaissance de Zéro Moustafa, le propriétaire solitaire des lieux. Au cours d’un dîner, le vieil homme lui raconte comment il avait jadis acquis l’hôtel. Une histoire commençant par Gustave H., le premier concierge lors de la grande époque au début des années 1930, qui avait été alors le mentor du jeune Zéro, tout juste engagé comme garçon d’étage inexpérimenté.

Critique de Tootpadu

Est-ce de la frivolité, du sarcasme, du burlesque ou de l’ironie caustique que relève l’humour de Wes Anderson ? Son cinéma se revendique-t-il de Billy Wilder, de Blake Edwards, voire de Ernst Lubitsch ou de Preston Sturges ? Il y a un peu de tout cela chez ce réalisateur que nous apprécions depuis longtemps, sans être enthousiasmés par l’un de ses films en particulier, jusqu’à présent. Car The Grand Budapest Hotel, récompensé au dernier festival de Berlin du Grand prix, est une formidable synthèse de toutes ces influences, sans jamais être platement référentiel. Conçu sur le principe de la poupée russe, le récit nous plonge dans un enchantement dépourvu de sucrerie magique. En guise de rappel des dures réalités de la vie, la mort y est omniprésente. Elle se passe certes le plus souvent hors champ, mais laisse une empreinte suffisamment forte, en surgissant d’une façon presque anodine, pour éloigner le ton du film du registre du conte poétique.

En effet, la poésie à laquelle la mise en scène s’emploie avec une aisance remarquable est toute autre. Elle fait en quelque sorte figure de dernier rempart de civilisation cinématographique contre l’assaut d’un langage filmique, qui a globalement tendance à s’appauvrir et à s’uniformiser au fil du temps. Les trouvailles visuelles et narratives de Wes Anderson débordent au contraire d’une inventivité et d’une originalité incomparables. Le tout sur le thème d’une nostalgie point dépressive, mais plutôt délicatement narquoise. Du grand hôtel dans toute sa splendeur, il ne reste plus que la statue grotesque de l’auteur, elle-même sans doute tombée victime depuis des bouleversements culturels qui allaient de pair avec la fin de la Guerre froide. A partir de ce point de départ curieux, la narration poursuit la mise en abîme, remontant séquence par séquence à la recherche du temps perdu jusqu’à parvenir à l’époque d’une jeunesse innocente, quoique rapidement corrompue par l’apprentissage des rouages du métier de concierge.

Le fond sérieux de l’intrigue est saupoudré d’une couche de comédie jubilatoire. Le choix du camp de la lucidité, au détriment de celui de l’aigreur, de la part des narrateurs respectifs garantit ainsi un divertissement de haut vol, anobli de surcroît par une distribution extraordinaire. Sauf que cette surabondance de comédiens de talent y sert à peine de gadget, comme cela a pu être le cas dans les films catastrophes d’antan ou les enquêtes policières aux multiples suspects. Chaque rôle remplit ici une fonction essentielle, aussi brève soit-elle, dans le cadre d’un kaléidoscope filmique au ton sobrement décalé. Dans le grand écart entre cette bouffonnerie et la grande sagesse dont elle est pourtant empreinte, réside toute la maestria de Wes Anderson !

 

Vu le 20 février 2014, au Club de l'Etoile, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Je remercie tout d’abord le club 300 du site incontournable Allociné de nous avoir permis de découvrir le mardi 18 février ce film dans d’excellentes conditions 

En huit films sur dix-huit ans, le réalisateur texan Wes Anderson a réussi à créer une œuvre homogène et témoignant de la véritable empreinte d’un auteur. Sa filmographie a permis à ce grand artiste de faire de chacun de ces œuvres un voyage fantastique original et parfaitement maîtrisé. Que l’on accroche ou pas à son univers, on ne peut que reconnaître que Wes Anderson est tel un peintre, un artiste attaché autant à la précision qu’à la volonté de divertir intelligemment le spectacteur. A ce titre, le film The Grand Budapest Hotel pourrait presque apparaître comme la synthèse de ses films précédents. S’appuyant sur un casting hallucinant (Ralph Fiennes,  F. Murray Abraham, Mathieu Amalric, Adrien Brody, Willem Dafoe, Jeff Goldblum, Harvey Keitel, Jude Law, Bill Murray, Edward Norton, Jason Schwartzman, Léa Seydoux, Tilda Swinton, Tom Wilkinson, Owen Wilson) à faire pâlir de jalousie  George Clooney avec Monuments Men, le réalisateur nous livre une fois de plus un conte moderne illustrant l’histoire de Gustave H, maitre d’hôtel et de son fidèle garçon d’étage Zéro Moustafa.

Le film repose sur un scénario prétexte à des rebondissements multiples et apportant à chacun des personnages une certaine profondeur. C’est également pour ce réalisateur surdoué de rendre hommage aux comédies d’avant la censure des années 30 et aux mémoires de l’auteur Stefan Zweig. Cette volonté de donner un ton suranné à ce film se ressent aussi bien par l’usage de maquettes de trains et de funiculaires ainsi que la manière de filmer son nouveau film. A ce titre le directeur de la photographie Giles Nuttgens  (Perfect Sense…) est en parfaite osmose avec le réalisateur Wes Anderson pour donner à son film une vraie signature d’auteur et un ton en phase avec l’univers Andersonnien. On ressent ainsi à chaque image le soin apporté aux détails par le réalisateur, chacun des plan du film ressemble ainsi à un véritable tableau prenant vie. On sent également une véritable volonté de rendre son film accessible au plus réfractaire autant Ruhsmore et The Royal Tenenbaums étaient presque des films expérimentaux, autant son dernier film est simple d’accès et ressemble par moment à un cartoon live. Impossible de se retenir de rire face à ce maître d’hôtel Monsieur Gustave (excellent Ralph Fiennes) plein de manies attachées aux détails.

Loin de faire de The Grand Budapest Hotel une apparence statique de pièce de théatre adaptée, le réalisateur se sert de chacun de ces comédies et décors pour nous livrer une véritable et étincelante symphonie musicale. Certains reprochaient à ce réalisateur d’apporter plus de soins aux personnages qu’à l’histoire devront reconnaître la volonté de celui-ci de nous livrer une peinture pittoresque d’une époque révolue. Cette tonalité pessimiste se ressent à chaque scène.  La scène de poursuite en ski en stop motion renvoie ainsi à une autre tonalité proche de son film Fantastic Mr. Fox en 2010. Toutes les obsessions de ce réalisateur se retrouvent ainsi dans ce film comme la volonté de refuser le progrès de la technologie, les valeurs morales en perdition.

Ce film permet également au réalisateur de retrouver sa famille d’acteurs. Owen Wilson qui a co-écrit avec lui son premier film est ainsi présent. De la même manière pour Jason Schwartzman qui a co-écrit avec lui À bord du Darjeeling Limited (2007). De la même manière ce n’est pas non plus un hasard de retrouver dans des rôles certes réduits les excellents comédiens qui ont déjà joué dans ses précédents films comme Bill Murray. Mais c’est surtout la présence de deux comédiens français Mathieu Amalric et Léa Seydoux qui apportent une tonalité nouvelle à ce film. Le fait que le réalisateur soit aussi attaché à la France (il a un pied à terre à Paris) explique bien  la présence de ces deux comédiens français.

The Grand Budapest Hotel est non seulement un divertissement enthousiasmant, pouvant devenir culte par ses nombreuses accroches mais aussi témoigne d’une tonalité européenne d’un des plus originaux réalisateurs actuels. Son personnage de Monsieur Gustave est de loin celui qui est le plus attachant par sa profondeur et sa volonté de vouloir faire avec le plus grand soin son travail. Il apparaît ainsi comme le reflet d’un réalisateur libre de création mais restant toujours à l’écoute de son public.

Vu 18 févier 2014 au Forum des Images en VO

Note de Mulder:

Critique de Noodles

Wes Anderson est souvent considéré comme le plus européen des réalisateurs américains. Il aura pourtant fallu attendre son huitième long-métrage pour que l’action de l’un de ses films se déroule enfin sur le Vieux Continent. Avec The Grand Budapest Hotel, c’est une Europe des années 30 en proie au fascisme et à la guerre qui nous est présentée. Toutefois, ce contexte historique est quelque peu réinventé, comme déguisé, masqué par une forte dose de légèreté. Pas étonnant venant du cinéaste texan qui ne cache plus sa propension à s’éloigner de la réalité. La séquence d’ouverture du film pose la question de savoir qui en est le narrateur, et l’on remonte brièvement le temps à travers une succession de trois époques différentes. Cette structure narrative qui prend la forme de poupées russes n’a d’autre utilité que d’introduire l’histoire de Zero Moustafa, l’ancien lobby-boy de l’hôtel devenu son richissime propriétaire.

Cette nouvelle comédie loufoque s’inscrit parfaitement dans le reste du cinéma de Wes Anderson. On y retrouve en effet tous les éléments visuels qui font la particularité et le charme d’une filmographie somme toute assez constante et relativement homogène. Ainsi, le film foisonne de travellings latéraux très fluides, de cadres dont la composition est très symétrique, et bien sûr de regards caméra. Quant aux décors tantôt naturels tantôt artificiels, ils correspondent parfaitement au monde créé par le cinéaste. Le luxueux hôtel, par exemple, est semblable à une véritable maison de poupée. Néanmoins, cette sorte de perfection qui émane de la photographie et de la mise en scène bien huilée de tous les films du réalisateur trouve peut-être son point culminant avec The Grand Budapest Hotel, si bien que cela gênera sans doute les spectateurs qui n’adhèrent pas totalement à l’univers qu’a construit Wes Anderson au fil de son œuvre.

En tout cas, si le prestigieux établissement mérite sûrement cinq étoiles, on peut en dire autant du casting. Même si certaines performances peuvent parfois sembler inégales, on prend beaucoup de plaisir à découvrir une telle brochette d’acteurs dans des rôles parfois surprenants. On pense par exemple à Willem Dafoe qui campe un homme de main cruel et sanguinaire, ou encore Harvey Keitel qui incarne un vieux prisonnier tatoué de partout. Mais celui qui brille le plus dans son interprétation est sans aucun doute Ralph Fiennes interprétant avec brio le rôle de Monsieur Gustave, le concierge dandy qui donne au film un rythme réellement dynamique.

Finalement, Wes Anderson nous livre ici une œuvre qui ne se démarque pas de sa filmographie, mais en reprend au contraire toutes les caractéristiques, peut-être de manière parfois un peu trop excessive. Toutefois, les spectateurs les moins réceptifs au style du cinéaste seront sans doute quand même conquis par l’humour qui agit efficacement tout au long du film.

Vu le 18 Février 2014, au Forum des Images, en VO.

Note de Noodles: