Cour de Babel (La)

Cour de Babel (La)
Titre original:Cour de Babel (La)
Réalisateur:Julie Bertuccelli
Sortie:Cinéma
Durée:93 minutes
Date:12 mars 2014
Note:

Ils sont originaires des quatre coins du monde. Ils sont venus en France pour des raisons diverses, d’ordre familial, économique ou religieux. Ils sont âgés de onze à quinze ans et apprennent ensemble le français dans une classe d’accueil du collège La Grange aux Belles dans le Xème arrondissement de Paris. Au rythme des saisons, les adolescents apprennent à s’intégrer. Pour les besoins d’un court-métrage avec lequel ils participeront à un festival de films faits par des élèves, ils s’expriment sur leur parcours avant d’arriver en France.

Critique de Mulder

A Martine, Gérard, Céline et Cathy,

Dans le cadre du club300 de Allo Ciné, nous avons pu découvrir l’excellent film documentaire La Cour de Babel. Après le film découvert en septembre 2008 entre les murs du réalisateur Laurent Cantet, voici un documentaire qui devrait être découvert au plus vite et par un très grand nombre de spectateurs. Julie Bertuccelli réalisatrice de documentaires pour la télévision depuis 1993 (Un métier comme un autre) et de deux films (Depuis qu’Otar est parti (2003) et l’arbre (2010) nous livre un documentaire intelligent et parfaitement maîtrisé sur la classe d’accueil d’un collège (La Grange aux Belles à Paris) et nous présente durant toute une année les élèves venus de différents pays (Irlandais, Serbes, Brésiliens, Tunisiens, Chinois ou Sénégalais...). Ces jeunes collégiens passent par cette classe afin d’apprendre à maîtriser la langue française avant d’intégrer un collège traditionnel.

A chaque plan du film on sent la volonté de la réalisatrice de s’effacer complètement et de suivre ces jeunes collégiens au passé difficile et ayant du mal à communiquer entre eux. Ce n’est pas uniquement le barrage de la langue qui les sépare mais également celui de la religion, de l’éducation, de principes propres à chacun des pays. Pourtant ces jeunes vont apprendre à s’apprécier mutuellement et témoignent d’un vrai respect envers leur enseignante et une volonté de s’intégrer. Ce film documentaire a pu voir le jour suite à la rencontre de la réalisatrice Julie Bertuccelli et de Brigitte Cervoni, professeur de français au collège de la Grange aux Belles, dans le dixième arrondissement de Paris. Cette enseignante travaille au sein d’une classe d’accueil. Cette approche différente de l’école fait de ce film non seulement une étude sociologique intéressante mais témoigne de l’engagement de la réalisatrice sur un sujet qui l’a passionnée. Cette passion est non seulement palpable mais également nous est transmise par un message captivant.

Le titre du film vient du mythe de la Tour de Babel qui trouve sa source dans la Bible. En punition, Dieu aurait demandé aux hommes de Babylone de construire une tour gigantesque et que chacun de ceux-ci ne parlent pas le même langage. Ce film montre bien que l’intégration de ces élèves ayant chacun leur dialecte est une épreuve difficile de communication. Pourtant, ceux-ci réussissent non seulement à apprendre à se connaître et à s’apprécier mutuellement.

La caméra s’efface totalement et nous découvrons ainsi telle une personne de cette classe des moments aussi bien dramatiques qu’ assez comiques comme ces mots écrits sur un tableau ou les rencontres parents/ élèves avec l’enseignante. Ce constat de notre société actuelle   nous montre que le savoir n’a pas de frontières et que les peuples peuvent vivre en harmonie. Cet échantillon de cultures différentes en est la preuve.   Le premier film documentaire cinéma de Julie Bertuccelli est donc une excellente surprise et devrait être montré dans toutes les écoles et suivi de courts débats professeur/élèves.

Vu le mardi 4 mars 2014, au Forum des Images, Salle 100

Note de Mulder:

Critique de Tootpadu

Depuis quelque temps, l’école est devenue un des sujets phares des documentaires français. En tant qu’institution éminemment républicaine, elle fait figure de dernier bastion d’un condensé communautaire, avant que les inégalités de toutes sortes ne dispersent les individus sur l’intégralité de l’échiquier social. C’est à l’école que s’apprennent les valeurs fondamentales de notre civilisation et c’est également sur ce lieu de passage, aussi primordial qu’obligatoire, que les enfants se rendent concrètement compte qu’il existe un monde en dehors du cercle familial. Même si nos propres souvenirs de ce processus d’apprentissage en groupe sont assez mitigés, nous avons été particulièrement touchés par la démarche d’un documentaire comme Tempête sous un crâne de Clara Bouffartigue et d’une docu-fiction comme Entre les murs de Laurent Cantet. Comparé à ces plongées candides dans le milieu scolaire, le nouveau film de Julie Bertuccelli nous a un peu laissés sur notre faim, à cause d’une perspective qui se veut humaniste, mais qui finit par être platement sentimentale.

Les adolescents qui font vivre et vibrer cette Cour de Babel ont chacun une histoire à raconter. Ce n’est pratiquement jamais un récit de bonheur, mais plutôt la conclusion provisoire d’un exode nullement choisi de leur terre d’origine. Sans trop rentrer dans les détails, la narration nous donne progressivement un aperçu de la situation d’une demi-douzaine d’entre eux, qui feront par la suite figure de repère dans la structure assez libre du documentaire. Il y a les réfugiés politiques, les enfants de demandeurs d’asile, les fruits de foyers recomposés qui sont trimbalés d’un pays à l’autre et, au moins dans un cas, le petit génie pour qui les cours de français doivent être de la rigolade par rapport aux neuf heures ou plus qu’il s’entraîne chaque jour pour devenir un virtuose du violoncelle. Ces destins sont saisissants parce qu’ils expriment à la fois au niveau individuel une détresse affective et matérielle, qu’une vie en France n’adoucira pas forcément, et au niveau global le grand mouvement de métissage qui finira par abolir tôt ou tard les différences linguistiques, raciales et religieuses.

La mise en scène met clairement l’accent sur l’aspect humain de la vie en salle de classe. Elle en sort à peine et ne cherche nullement à définir les intervenants par autre chose que le rôle qu’ils jouent dans cette relation triangulaire entre l’adolescent, le personnel enseignant et les représentants des familles, plus ou moins impliqués dans le lent processus d’intégration. Trois types de séquences rythment essentiellement le film : les cours, la cour du collège pour signifier le passage du temps, et les moments pédagogiques plus individuels, lors de la convocation des parents ou d’entretiens d’orientation en petit comité. C’est ce dernier dispositif qui réussit le mieux à la réalisatrice, dont la caméra arrive alors à voler quelques moments d’intimité et de vulnérabilité aux élèves.

Quant au reste, aucune approche claire se démarque au fil d’une année scolaire très ordinaire. Les progrès en français ne paraissent guère intéresser la narration, pas plus d’ailleurs que le ressenti ou l’éthique professionnelle de la professeur, qui tire sa révérence abusivement larmoyante lors du dernier cours avant les vacances d’été. Aussi touchant le portrait de ces jeunes immigrés soit-il, il lui manque une idée globale, susceptible de fédérer sous une forme filmique probante, leur expérience avec cette manifestation de l’hospitalité et de la générosité à la française que sont les classes d’accueil.

 

Vu le 18 mars 2014, au Louxor, Salle 2

Note de Tootpadu: