Best offer (The)

Best offer (The)
Titre original:Best offer (The)
Réalisateur:Giuseppe Tornatore
Sortie:Cinéma
Durée:131 minutes
Date:16 avril 2014
Note:

Virgil Oldman est un commissaire-priseur de renom. Véritable institution dans le milieu de l’art, il est un misanthrope assumé, qui fuit le plus possible le contact avec les autres. Son refuge est une pièce cachée dans son appartement luxueux, dans laquelle il a accroché tous les portraits de femmes collectionnés en secret au fil de sa carrière. Au début, Virgil refuse catégoriquement d’effectuer l’estimation des biens dont l’énigmatique Claire Ibbetson veut se séparer à la suite du décès de ses parents. Il la considère comme une femme mal élevée et névrosée, à cause de sa peur maladive de rencontrer qui que ce soit. Il finit par proposer ses services à cette cliente peu orthodoxe, aussi parce qu’il reconnaît chez elle ses propres angoisses existentielles.

Critique de Tootpadu

La psychose à l’œuvre dans ce film italien aurait été assez profonde pour en faire un thriller oppressant, qui dévoile par un jeu habile de fausses pistes et de vraies frayeurs les facettes inavouables de la nature humaine, mesquine et égoïste. Le périple d’un génie solitaire, qui abandonne tous ses principes de mise à distance du monde extérieur, pour se voir confirmer in extremis l’opinion défavorable sur la nature humaine qu’il a cultivée pendant toute une vie, disposerait d’un potentiel considérable en termes de mise en abîme de l’âme torturée du protagoniste. Il y aurait eu de quoi sonder les moindres recoins de perversité coincée chez cet homme, fétichiste d’une conception certes vertueuse, mais aussi horriblement désincarnée de la femme. Les nombreuses phobies de Virgil Oldman auraient pu servir de prétexte à un règlement de compte savoureux avec à la fois le détachement subjectif de l’individu du monde qui l’entoure et – d’un point de vue plus actuel – des dégâts de la perception virtuelle et par écrans interposés du quotidien, dont ce personnage n’est au fond que l’antithèse avec son aversion archaïque aux téléphones portables.

Ce n’est pas par hasard que nous avons mis ce premier paragraphe exclusivement au conditionnel. Car si la prémisse invite à une plongée vertigineuse dans les aberrations de l’esprit humain, il faudra un réalisateur suffisamment virtuose pour en tirer toutes les conclusions, aussi nihilistes soient-elles. Sous la direction d’un cinéaste animé par le courage téméraire d’aller au bout des choses déplaisantes, The Best offer aurait pu devenir un chef-d’œuvre de noirceur. Le goût de Roman Polanski pour les récits machiavéliques l’aurait par exemple parfaitement prédestiné à faire sienne cette intrigue fascinante. Hélas, nous devrons nous contenter de Giuseppe Tornatore, un artisan foncièrement optimiste, qui s’appuie sur un chantage aux sentiments plus ou moins marqué dans ses films, afin de faire passer un message somme toute réconfortant.

Tandis que la première partie du film laisse encore planer le doute, la deuxième s’emploie de plus en plus platement à démasquer les rouages de la manipulation dont l’amoureux transi est tombé victime. On s’en doutait bien sûr que cet éveil tardif à la sensualité allait se faire au prix du réveil douloureux à une réalité sensiblement moins rose. Mais la façon dont la narration rassemble les différentes pièces du puzzle, qui montre l’étendue de la crédulité dangereuse du personnage principal, ne contribue en fin de compte qu’à banaliser sa descente aux enfers, destinée dans le meilleur des cas à un traitement moins plan-plan que celui que lui attribue Giuseppe Tornatore. C’est donc avant tout à ce dernier que nous en voulons d’avoir presque gâché une histoire entièrement prometteuse, à coups d’explications approximatives et de dénouements incomplets, voire en cherchant à ramener le parfum délétère de cet abandon irraisonné à la tentation à une simple intrigue policière.

 

Vu le 7 avril 2014, au Club Marbeuf, en VO

Note de Tootpadu: