24 jours

24 jours
Titre original:24 jours
Réalisateur:Alexandre Arcady
Sortie:Cinéma
Durée:110 minutes
Date:30 avril 2014
Note:

Le 20 janvier 2006, Ilan Halimi se rend à la Porte d’Orléans, afin d’y rencontrer une jeune femme qui lui avait demandé son numéro, la veille dans sa boutique de téléphonie sur le boulevard Voltaire. La prochaine fois que sa mère Ruth a des nouvelles de lui, c’est par le biais d’un mail anonyme, qui lui annonce qu’Ilan a été enlevé et qu’il sera tué si une rançon de 450 000 euros n’est pas payée dans les plus brefs délais. La famille Halimi avertit la police, qui tentera pendant plus de trois semaines d’identifier les ravisseurs. Ceux-ci harcèlent Didier, le père d’Ilan, par des centaines d’appels, changeant sans cesse leurs demandes et laissant craindre que leur crime crapuleux soit motivé par des sentiments antisémites.

Critique de Tootpadu

Alexandre Arcady a failli nous avoir à l’usure. Bien qu’un point de vue clair fasse cruellement défaut à son film, les circonstances horribles de ce fait divers à fort potentiel polémique suffisent à elles seules pour nous toucher. L’affaire Halimi est assez récente pour qu’on se souvienne de son issue fatale. Du coup, sa transposition cinématographique se conjugue plus en tant qu’épreuve exténuante sur la durée que comme un thriller haletant à la conclusion incertaine. Le rapt de ce jeune adulte au beau milieu de l’hiver il y a huit ans avait aussi fait autant de bruit, parce qu’il tendait une glace nullement complaisante à une société, qui se remettait tout juste du choc de la dernière flambée des banlieues. Il confirmait l’impression inquiétante que dans ce territoire largement abandonné par les pouvoirs publics, tout était possible, même les actes les plus abjects et les violences les plus gratuites.

Le réalisateur de 24 jours nous a très rarement subjugués par l’acuité de son observation de faits sociaux et historiques. Chez Alexandre Arcady, l’anecdotique et les sentiments convenus écrasent le plus souvent des considérations plus ambitieuses et réfléchies. Ce film-ci ne fait point exception à cette règle officieuse, puisqu’il prétend très tôt recréer les événements traumatisants de l’enlèvement depuis le ressenti de Ruth Halimi, cette mère courage dont le livre a servi de base au scénario. Or, à l’exception des deux messages adressés directement au spectateur par le personnage au début et à la fin du film, ce dernier privilégie une lecture plus objective de l’enquête, rythmée par le bras de fer éprouvant entre la famille de la victime et ceux qui se sont fait connaître par la suite sous le nom de « gang des barbares ».

Cette volonté manifeste d’élucider les tenants et les aboutissants de ce crime atroce se retourne sans ménagement contre le film. La narration n’est de loin pas assez virtuose et nuancée pour négocier sans accroc l’alternance entre ces milieux distincts, qui reflètent respectivement l’angoisse de la famille, l’impuissance des forces de l’ordre et un amateurisme mal intentionné qui mène au drame de la part de la bande de Youssouf Fofana. Alors qu’une concentration hypothétique sur une seule de ces trois parties aurait pu nous séduire – au choix sous la forme du drame intimiste, du policier cynique ou du film de gangster qui n’aurait pas peur d’insister sur l’absence de compassion chez les geôliers – , leur association indistincte mène directement le récit à une cacophonie de tons de laquelle aucune émotion durable ne peut naître.

Il y aurait eu matière à une polémique constructive dans cette histoire qui prétend révéler la vérité sur l’affaire Ilan Halimi. La seule vérité que nous en tirons est malheureusement celle qui nous confirme les limites du talent filmique de son réalisateur. Alexandre Arcady a beau viser très haut avec ce sujet à l’actualité plus ou moins brûlante, ne serait-ce que parce que le principal coupable continue à défier le bon sens et les autorités pénitentiaires, comme le prouve sa nouvelle condamnation il y a quelques semaines à peine pour avoir agressé des surveillants dans la « meilleure » prison de France, son vocabulaire filmique se montre d’une lourdeur affligeante au lieu d’être percutant. Il suffit de citer un exemple au hasard, comme cette séquence d’arrestations musclées qui fait immédiatement penser à Z de Costa-Gavras et son dénouement mémorable, dont elle n’est au final qu’une copie pâlichonne.

 

Vu le 9 avril 2014, à la Salle Pathé François 1er

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Le nouveau film d’Alexandre Arcady 24 jours, la vérité sur l’affaire Ilan Halimi s’inspire d’une histoire vraie relative à l’enlèvement de Ilan Halimi le 20 janvier 2006. Ce jeune français victime d’une organisation antisémite fut martyrisé puis brûlé vif avant d’être retrouvé mort vingt-quatre jours plus tard. Il en suivit l’arrestation de vingt-neuf personnes et la condamnation de dix-neuf d’entre elles dont leur leader Youssouf Fofana considéré comme le chef du gang baptisé des barbares. Les scénaristes et dialoguistes Antoine Lacomblez et Alexandre Arcady se sont basés sur le livre éponyme co-écrit par la mère du jeune homme tué Ruth Halim et Emilie Frèche laquelle a aussi également participé à l’écriture du script. Ce film permet également au réalisateur et fils d’Alexandre Arcady Alexandre Aja (Haute tension (2003), Mirrors (2008), Piranha 3D (2010).) de retravailler avec celui-ci pour la quatrième reprise en qualité de Réalisateur de seconde équipe (dix ans après Mariage mixte (2003)).

Ce film sans s’imposer comme une réussite exemplaire retranscrit de manière presque documentaire les faits tels qu’ils se sont passés et nous montre une famille déchirée de l’intérieur. La sœur de la victime est totalement impuissante face à ses parents divorcés et à une police incapable de gérer parfaitement la situation. Ce crime atroce est encore dans nos mémoires et nous montre à quel point l’endoctrinement de certaines personnes y compris en France peut amener certains à des crimes violents. Le sujet est très personnel pour le réalisateur et sa manière de réaliser ce film au plus proche des personnages en fait toute sa force. Certes, le film aurait gagné en force si le réalisateur avait filmé son film plus du point de vue d’Ilan Halimi que de celui de sa mère. Ce film portant à polémique montre que cette affaire sordide peut arriver à n’importe qui et reste d’actualité dans un contexte économique et de la montée de certains partis politiques nous rappelant de très mauvais souvenirs

Une nouvelle fois le réalisateur s’appuie sur des comédiens parfaitement en phase avec leurs personnages. On ne présente plus ainsi la comédienne et réalisatrice Zabou Breitman, les comédiens Pascal Elbé et Jacques Gamblin et la comédienne Sylvie Testud. Le casting est parfaitement performant pour nous montrer l’évolution de cet enlèvement tragique et montrant l’inefficacité  d’une police française dépassée par les évènements. Pourtant la trop grande linéarité du film nous empêche de totalement y adhérer. Ce film est  certes juste mais trop neutre. Un thriller doit imposer l’ angle de vue de son réalisateur. Il n’est pas un documentaire reconstituant les faits. La plupart des films d’Alexandre Arcady présente donc cette même sensation d’un réalisateur prisonnier de son style visuel et incapable de s’en défaire. En dix-sept films en plus de trente-cinq ans, seul L’union sacrée (1988) reste à mes yeux un réussite exemplaire,  un cinéma populaire certes mais de qualité irréfutable.

24 jours, la vérité sur l'affaire Ilan Halimi 75 reste donc un film mineur dans la filmographie d’Alexandre Arcady. Il s’agit certes d’un film réussi mais d’un réalisateur reconnu comme Alexandre Arcady on aurait pu s’attendre à un film d’une plus grande ampleur.

Vu le 16 avril 2014 à la Salle Pathé François 1er, en VO

Note de Mulder: