Un voyage

Un voyage
Titre original:Un voyage
Réalisateur:Samuel Benchetrit
Sortie:Cinéma
Durée:93 minutes
Date:23 avril 2014
Note:

Mona et Daniel déposent leur fils Victor le vendredi matin à l’école maternelle. C’est la grand-mère qui viendra le chercher et qui le gardera pour le week-end. Car le couple part en voyage, soi-disant en amoureux. Depuis Paris, il se rend en Suisse. Alors que tout paraît normal au début, les rapports entre Mona et Daniel deviennent de plus en plus tendus. Jusqu’au dimanche matin, quand aura lieu l’événement tragique pour lequel ils ont dû s’exiler.

Critique de Tootpadu

L’intensité des sentiments qui sous-tend indéniablement le quatrième film de Samuel Benchetrit, fonctionne-t-elle le mieux si on en sait le moins possible avant de le voir ? Alors que nous préférons de loin aborder chaque film avec un regard vierge, voire ignorant tout de l’histoire qui va se dérouler sous nos yeux, cette fois-ci nous avons par hasard croisé dans les transports un confrère en nous rendant à la séance, qui n’a pas pu s’empêcher de nous révéler la finalité dramatique d’Un voyage. Puisque le synopsis officiel reste très vague à ce sujet, nous nous doutons que cette histoire d’amour à fleur de peau est avant tout censé confronter le spectateur au désespoir d’un couple qui vit ses dernières heures heureuses, peu importe l’issue tragique qui l’attend et dont les indications rythment avec parcimonie le récit. C’est ainsi la manifestation de l’amour aux aguets, d’une détérioration soudaine de la santé ou d’un effondrement nerveux, qui prime en fin de compte sur la tentation du chant de cygne funeste.

En dépit de la brève séquence mise en exergue du film, que l’on retrouvera le moment venu avec l’interlocuteur de ce discours d’adieu, le porteur de la maladie n’est pas immédiatement identifiable. Le jeu avec le doute continue même à travers le choix des comédiens : Anna Mouglalis gracieuse et déterminée et Yann Goven toujours aussi maigre et dépressif. Les deux personnages enchaînent des instants de vie cocasses, empreints davantage d’une liberté d’action presque joyeuse que de la panique des choses à faire avant de trépasser. Il s’en dégage une immense sérénité, qui borde à la quiétude, tellement ce week-end paraît anodin. Il y a certes quelques élans étrangement poétiques, tels cette longue marche qui se termine dans l’eau, le retour au stade simien et le corps inerte trimbalé comme si de rien n’était, mais dans l’ensemble, ces écorchés vifs n’ont guère l’air de vouloir faire face.

Jusqu’à ce premier et finalement seul moment insoutenable de la séparation le samedi soir, où Mona erre comme une folle dans les rues de la petite ville suisse – d’où le motif de l’affiche qui a failli nous mettre sur la fausse piste d’un thriller à la Cours Lola cours de Tom Tykwer – de plus en plus désespérée de ne plus avoir son compagnon à ses côtés lorsque cela compte le plus. Et puis, l’instant fatidique du dimanche matin, qui résonne presque comme l’antithèse de cette envie de vivre qui avait crié en sourdine sa rage pendant tout ce qui l’a précédé. La sobriété dont la narration fait preuve alors est tout à l’honneur d’un film, qui ne cherche nullement à déclencher des polémiques autour d’un sujet délicat. Samuel Benchetrit a réussi au contraire de rendre subtilement palpable l’intensité inquiétante qui caractérise les derniers jours avant une mort programmée.

 

Vu le 15 avril 2014, au Club Marbeuf

Note de Tootpadu: