Ali a les yeux bleus

Ali a les yeux bleus
Titre original:Ali a les yeux bleus
Réalisateur:Claudio Giovannesi
Sortie:Cinéma
Durée:101 minutes
Date:30 avril 2014
Note:

A seize ans, Nader tombe pour la première fois amoureux. Ses parents désapprouvent de sa relation avec Brigitte, contraire à leur culture égyptienne. Ils menacent de mettre leur fils à la porte, s’il ne rompt pas avec sa copine. A ce conflit s’ajoute une altercation entre Nader, son meilleur ami Stefano et un groupe de Roumains dans une discothèque. Désormais sans domicile fixe et traqué par les proches de l’adolescent qu’il a poignardé, Nader se trouve face à des responsabilités qu’il a du mal à assumer.

Critique de Tootpadu

Une influence pasolinienne palpable surplombe le troisième film du réalisateur Claudio Giovannesi. Comme dans l’œuvre cinématographique et littéraire de Pier Paolo Pasolini, il y est question de jeunes Romains livrés à eux-mêmes, dans un contexte économique et social qui ne leur a point réservé une place de choix. La révolte de Nader et de ses amis se dirige contre des parents trop attachés à une conception traditionnelle de l’existence et contre un environnement scolaire dont le désordre bruyant ne les prépare guère à affronter le monde professionnel. Leur élan subversif n’est pas motivé par une quelconque idéologie, mais plutôt par un fort ressenti d’injustice à leur égard, contre lequel ils se défendent en commettant eux-mêmes sans le moindre remords des actes de délinquance. Enfin, l’adolescence rime toujours ici avec une découverte à fleur de peau de la sexualité. Celle-ci se manifeste à la fois par les premiers rapports avec la bien-aimée, une tentative de séduction homosexuelle vite repoussée et une visite chez les putes, qui sert surtout à dépouiller ces femmes considérées comme inférieures sur l’échelle sociale, alors qu’elles ont les mêmes origines roumaines que leur client.

Le principal point de distinction entre Ali a les yeux bleus et l’émerveillement de Pasolini devant la pureté prolétaire et poétique des jeunes d’il y a un demi-siècle, c’est que, justement, le contexte n’est plus le même. On trouve encore quelques Italiens de souche dans ce film subtilement poignant. Mais dans l’ensemble, la banlieue romaine d’aujourd’hui est – comme celle de la plupart des autres métropoles de l’ouest européen – un mélange de cultures et d’origines qui coexistent sans prétendre ni à l’intégration, ni à la création d’un nouvel espace de communauté mixte. Tandis que la génération des parents s’accroche encore aux règles qui faisaient jadis leur identité culturelle, leur progéniture s’adapte déjà à un quotidien tout autre, où les influences du style de vie italien le remportent le plus souvent sur de vieux réflexes pour défendre l’honneur familial, comme par exemple le coup de colère de Nader quand il découvre que Stefano est proche de sa sœur cadette.

Du côté formel, la narration a tendance à se murer dans une neutralité distante. Elle ne met nullement l’accent sur les rares actes aux conséquences lourdes qui déterminent le parcours du protagoniste. Sa façon de procéder, d’ailleurs pas vraiment moins efficace que le ton lourdement tragique qu’affectionnait Pasolini, est davantage de mettre l’accent sur le sentiment de flottement existentiel, né de l’impuissance de changer les choses en sa faveur, qui accable Nader. Le douloureux passage à l’âge adulte de ce dernier devient ainsi le symbole tristement symbolique de l’énième échec d’une jeunesse en quête d’acceptation dans son pays d’adoption.

 

Vu le 15 avril 2014, à la Salle Pathé Lincoln, en VO

Note de Tootpadu: