Apprenti gigolo

Apprenti gigolo
Titre original:Apprenti gigolo
Réalisateur:John Turturro
Sortie:Cinéma
Durée:90 minutes
Date:09 avril 2014
Note:

Contraint de fermer son magasin, le marchand de livres rares Murray Schwartz trouve par hasard une nouvelle source de revenus. Sa dermatologue lui a fait part de son fantasme intime d’un ménage à trois, tout en lui demandant s’il connaissait un homme qui pourrait y participer. Murray pense sans tarder à son ami de longue date Fioravante, un fleuriste à mi-temps et régulièrement fauché. L’essai est concluant et l’étalon et son maquereau amateur croulent bientôt sous les demandes de femmes en quête d’une aventure sexuelle avec un vrai homme. Pour Avigal, la jeune veuve d’un rabbin, Murray pense toutefois à une thérapie plus douce.

Critique de Tootpadu

Les très rares fois que Woody Allen va faire l’acteur pour les autres, mieux vaut ne pas s’attendre à un départ radical du registre sur lequel s’appuie sa réputation, film après film, année après année. Peu importe que ce soit dans ses propres films ou dans ceux des autres, il est abonné au rôle de l’intellectuel juif névrosé, qui est fasciné par les femmes sans toujours savoir comment s’y prendre afin de les conquérir. Sa collaboration avec John Turturro, un réalisateur à la carrière inversement moins prolifique que celle de sa vedette, s’inscrit donc dans la continuité de ce personnage que Woody Allen maîtrise jusqu’à la perfection. Il y campe une fois de plus un pygmalion gauche et attachant, dont la résignation ironique est la meilleure arme pour survivre dans un monde marqué par des rites sexuels et religieux qui lui restent étrangers.

Le scénario de Apprenti gigolo n’est certes pas signé par Woody Allen, mais John Turturro s’est visiblement inspiré de son humour gentiment caustique, tout en y apportant sa propre touche de délicatesse. La méchanceté et les coups de théâtre retentissants sont ainsi totalement absents de ce film, qui privilégie plutôt une douceur de vivre à l’opposé de la dure réalité de la prostitution et de l’intégrisme religieux. C’est une image très édulcorée que la narration peint de New York, cette métropole foisonnante dont les aspects les plus laids échappent également à l’œuvre de Woody Allen qui ne fréquente que des sphères sociales aisées. D’ailleurs, les enjeux matériels du nouveau travail de Fioravante passent rapidement à l’arrière-plan, au profit d’une relation sensiblement plus ambiguë que les rapports expéditifs, mais de qualité, pour lesquels il devient rapidement célèbre dans son quartier.

La mise en scène s’acquitte convenablement de ce glissement quasiment imperceptible de la comédie érotique vers des préoccupations plus romantiques. Elle paraît cependant moins inspirée quand il s’agit de susciter une quelconque tension dramatique au sein d’un récit joli à regarder, grâce à la photographie de Marco Pontecorvo, mais assez banal dans son découpage et son fil narratif. Par conséquent, la fadeur du film correspond à celle de son réalisateur, un acteur de seconds rôles très fiable, auquel il manque le talent créatif qui anime souvent Woody Allen. Alors que ce dernier peut se permettre un ratage par-ci, par-là, ce film hautement inoffensif a plutôt tendance à nous confirmer dans notre avis guère enthousiaste quant à l’avenir en tant que réalisateur de John Turturro, après cinq longs-métrages en vingt ans.

 

Vu le 23 avril 2014, au MK2 Quai de Seine, Salle 6, en VO

Note de Tootpadu: