Pas son genre

Pas son genre
Titre original:Pas son genre
Réalisateur:Lucas Belvaux
Sortie:Cinéma
Durée:111 minutes
Date:30 avril 2014
Note:

Clément, jeune professeur de philosophie parisien est affecté à Arras pour un an. Loin de Paris et ses lumières, Clément ne sait pas à quoi occuper son temps libre. C'est alors qu'il rencontre Jennifer, jolie coiffeuse, qui devient sa maîtresse. Si la vie de Clément est régie par Kant ou Proust, celle de Jennifer est rythmée par la lecture de romans populaires, de magazines « people » et de soirées karaoké avec ses copines. Cœurs et corps sont libres pour vivre le plus beau des amours mais cela suffira-t-il à renverser les barrières culturelles et sociales ?

Critique de Mulder

Le nouveau film de Lucas Belvaux est telle une chanson douce sussurée à l'oreille. Il nous rappelle que nous devons aller au-devant de nos préjugés pour vivre en harmonie et trouver le parfait amour. La rencontre romantique est un des thèmes fondateurs de la littérature et a permis à de grands auteurs tels Émile Zola, Charles Baudelaire de donner vie à de grands textes ou poèmes intemporels.  On sent dans l'approche scénaristique du réalisateur la volonté de prendre du recul par rapport au livre éponyme de l'écrivain français Philippe Vilain. Bien aussi  de vouloir s'affranchir de la narration à la première personne du roman pour trouver un juste équilibre entre le point de vue de ce jeune professeur de Philosophie muté à Arras contre son gré et cette jeune coiffeuse.

La ville d’Arras apporte à ce film un certain ton enjoué et sans vouloir pousser la caricature au même degré que Bienvenue chez les Ch'tis de Dany Boon (2008) montre une mentalité différente de celle de la bourgeoisie parisienne.  Cette ville  du Pas de Calais connue pour sa bière, ses fanfares et ses carnavals est le cadre idéal pour nous raconter une très belle histoire romantique et tragique.  Le choc culturel entre un intellectuel, écrivain philosophe et professeur vivant avec ses livres et semblant déphasé par rapport à son époque sans réelle culture  cinématographique et cette coiffeuse lasse d’attendre son prince charmant et vivant au travers de ses Karaokés avec ses amies et à élever son fils fait toute la force de ce film. Les dialogues tous très justes  donnent à ce film une bonne source de réflexion sur une époque dans laquelle nous vivons dans des castes culturelles et sociales sans réellement chercher à s'affranchir de nos repères familiaux et sociaux. 

Le film nous donne surtout une nouvelle preuve de l'immense talent d'une vraie comédienne qui ne cherche pas forcément à courir derrière le succès mais à trouver des rôles permettant de s'épanouir et de travailler avec des réalisateurs intéressants. Depuis le film Rosetta (1999), la jeune comédienne Emilie Dequenne ne cesse de nous surprendre dans des films dans lesquels elle peut réellement développer ses personnages. Celui de Jennifer qu'elle interprète ici nous montre un de ses nouveaux talents en qualité de chanteuse. Non doublée, les trois chansons qu'elle interprète témoignent une nouvelle fois que son talent ne connaît aucune limite. Sa reprise de I Will survive est un moment fort du film et rend son personnage attachant et sensible. On sent que le personnage de Jennifer n’est pas si loin de la comédienne. Comme elle, elle est indépendante, optimiste, vivante. Elle nous rappelle ces grands personnages féminins littéraires tragiques. Le jeune comédien Loic Corbery de la Comédie française témoigne également qu'il est un jeune talent à suivre de près.

Loin de ces comédies romantiques et dramatiques aussitôt vues aussitôt oubliées, Pas son genre nous marque malgré une fin que nous aurions aimé différente. Un film peut transcender un roman dont il est l'adaptation sans forcément en reprendre la même fin aussi pessimiste soit elle.

Vu le 23 avril 2014 à la salle C+ Lumière, Boulogne Billancourt

Note de Mulder: