Ligne d'eau

Ligne d'eau
Titre original:Ligne d'eau
Réalisateur:Tomasz Wasilewski
Sortie:Cinéma
Durée:93 minutes
Date:14 mai 2014
Note:

Kuba s’entraîne intensivement pour devenir champion de natation. Alors qu’il vit encore chez sa mère et qu’il sort depuis deux ans avec Sylwia, il ressent une autre forme d’attirance qui se solde par des rencontres éphémères à la piscine avec d’autres sportifs. Un soir dans une exposition, il rencontre Michal, un beau jeune homme sous le charme duquel il ne tarde pas à tomber. Les deux amis se voient de plus en plus régulièrement, mais ni l’un, ni l’autre n'ose franchir le pas et rendre public leur relation naissante.

Critique de Tootpadu

Nous avons abandonné depuis longtemps tout espoir que le cinéma gay évoluera un jour d’une façon significative. Elle est hélas loin l’époque réjouissante, qui s’étendait sur environ quinze ans dès le début des années 1980, où tout paraissait possible. Le fait d’être homosexuel était jusque là considéré comme une honte indicible, représentée sur grand écran sous forme de railleries, de manifestations ignobles de discrimination et de clichés pas plus valorisants. Son entrée sporadique dans le cinéma grand public en guise d’acceptation trompeuse semble avoir sonné ensuite le glas pour une conception de l’existence en dehors des canons basés sur la tradition hétérosexuelle. Cette parenthèse finalement trop brève avait toutefois exposé au grand jour le formidable courage de penser la vie et la culture gaies sous le signe d’une certaine liberté. Depuis, ce qu’il reste du cinéma gay mondial n’est plus qu’une peau de chagrin, voire une invitation à l’égard du public de niche qui s’y intéresse de se soumettre à une leçon maintes fois répétée en masochisme déprimant. Bien que les lois relatives au statut de l’amour homosexuel aient évolué dans la plupart des pays européens – pour les mentalités, c’est une autre histoire –, le reflet filmique de ces relations au quotidien stagne dans un horrible cercle vicieux de la découverte de l’homosexualité, prédestinée à une issue généralement tragique.

Ce film polonais ne fait malheureusement point exception à la règle, puisque qu’il conte l’aventure romantique hautement tortueuse de deux jeunes hommes, qui éprouvent beaucoup de difficulté à affirmer leur différence. Cette honte dont nous parlions plus haut, elle ne met que peu de temps avant d’infester le film tout entier. Au dilemme qui accable les deux personnages principaux, de s’avouer ses propres sentiments et de les montrer sans fausse pudeur à ses proches, on aurait peut-être préféré un conte de fée sirupeux à l’américaine, où Kuba et Michal pourraient s’épanouir loin de leur quotidien étouffant. La mise en scène visuellement pas sans intérêt de Tomasz Wasilewski ne nous rend pas ce service facile, puisqu’elle s’évertue au contraire à accentuer la pression qui pèse sur les deux jeunes adultes, une fois que leur amour est assumé.

Nous reconnaissons parfaitement que la vie d’un gay dans un pays aussi conservateur que la Pologne ne doit pas être facile. Et toute représentation filmique de cette lutte nullement gagnée d’avance pour un peu de respect et de liberté mérite notre respect. Il serait juste souhaitable que nous puissions un jour avancer au-delà du stade de Ligne d’eau, qui livre le prétexte idéal pour se lamenter au public gay plus chanceux que Kuba et Michal, mais qui ne fait guère avancer une cause qui nous tient naturellement à cœur.

 

Vu le 15 mai 2014, au Latina, Salle 1, en VO

Note de Tootpadu: