May in the summer

May in the summer
Titre original:May in the summer
Réalisateur:Cherien Dabis
Sortie:Cinéma
Durée:99 minutes
Date:07 mai 2014
Note:

L’écrivain May Brennan rentre dans son pays d’origine, la Jordanie, afin d’y organiser son mariage avec le professeur Ziad, installé comme elle à New York. La cérémonie n’aura lieu que dans un mois, ce qui laisse amplement le temps à May de renouer avec sa mère Nadine, une chrétienne fanatique, et ses deux sœurs cadettes. La tension monte dès son arrivée, puisque sa mère refuse d’assister à un mariage avec un musulman. Et ses retrouvailles avec son père, qui s’est remarié avec une femme qui a l’âge de sa fille, ne se passent pas non plus bien pour May. Alors que sa belle-mère s’occupe de tous les préparatifs et que Ziad se fait attendre, la future mariée doute de plus en plus de son choix.

Critique de Tootpadu

Si seulement toutes les comédies de mariage pouvaient faire preuve d’autant de délicatesse et de sensibilité que celle-ci … Cette préambule risque hélas de rester un vœu pieux, puisque dans le domaine le cinéma hollywoodien a depuis longtemps pris la tangente de l’hystérie vulgaire, alors qu’en France, les spectateurs s’émerveillent par millions devant Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu. Il existe pourtant une façon moins triviale d’aborder le mariage au cinéma, comme le montre avec bravoure la réalisatrice Cherien Dabis dans son deuxième film. La différence cruciale réside dans le choix d’un ton à fleur de peau, qui ne sert pas pour autant à exacerber le stress qui s’accentue au fur et à mesure que l’événement prétendument heureux approche. Le retour au bercail du personnage principal aurait aisément pu fournir le prétexte à toutes sortes de poncifs folkloriques, à l’image de Mariage à la grecque de Joel Zwick. A notre plus grand soulagement, il n’en est rien. Car May in the summer dessine au contraire le portrait subtil et touchant d’une femme à cheval entre deux cultures. Elle est dans l’incapacité de choisir entre elles, surtout parce qu’elle ne s’est pas encore trouvée elle-même.

L’image que les médias donnent en ce moment de la Jordanie en particulier et de la région du Proche-Orient en général ne correspond guère à ce que nous en montre ce film explicitement hermétique à tout discours politique. Il n’y est pas question des centaines de milliers de réfugiés syriens qui campent dans le désert jordanien, pas plus que des tensions internationales qui prennent en étau ce pays somme toute assez discret. Le conflit qui sous-tend le récit se situe à un niveau sensiblement plus personnel, même si les personnages font indirectement les frais d’une société, où la cohabitation pacifique entre les différentes races et confessions relève encore de l’utopie. L’appartenance à une classe aisée ne met cependant pas May et sa famille à l’abri d’une tension sourde, qui perce la bulle du confort par exemple lors des séances de footing matinal, qui provoquent une réaction mi-étonnée, mi-graveleuse de la part des hommes, qui sont habitués à une représentation publique des femmes infiniment plus pudique.

Le véritable point fort du film est néanmoins sa description sans fard d’une famille dysfonctionnelle. En effet, une narration particulièrement habile a été nécessaire pour tenir compte des préoccupations diamétralement opposées des différents membres de la famille, sans jamais tomber dans l’humour farceur du théâtre de boulevard. Chacune des femmes, ainsi que les rares hommes, qui constituent l’univers de cette famille américano-jordanienne sont décrits avec un sens aigu pour leur humanité, en dépit ou justement en tenant compte de leurs défauts. Cette finesse dans l’évocation des personnages – plutôt réaliste dans son refus calme et ferme de toute complaisance à leur égard – constitue la qualité principale d’un film, qui aurait presque réussi à nous réconcilier définitivement avec le genre usé jusqu’à la corde de la comédie de mariage.

 

Vu le 15 mai 2014, au MK2 BNF, Salle 1, en VO

Note de Tootpadu: