Face of love (The)

Face of love (The)
Titre original:Face of love (The)
Réalisateur:Arie Posin
Sortie:Cinéma
Durée:92 minutes
Date:16 juillet 2014
Note:

Pour fêter leurs trente ans de mariage, Garrett et sa femme Nikki partent sur la côte mexicaine. Garrett s’y noie accidentellement, laissant Nikki seule avec un deuil inconsolable. Cinq ans plus tard, elle pense avoir tourné la page. Au musée où elle allait souvent avec Garrett, elle aperçoit par hasard un homme qui ressemble beaucoup à feu son mari. Poussée par un mélange étrange de nostalgie et de curiosité, Nikki décide de le suivre, afin de faire sa connaissance. Un nouvel amour naît alors entre Tom, un professeur de peinture, et la veuve, qui n’ose pas lui révéler à quel point il lui rappelle Garrett.

Critique de Noodles

Quelle serait votre réaction si vous vous retrouviez nez-à-nez avec votre mari mort par noyade cinq ans auparavant ? Croiriez-vous alors que votre esprit vous joue des tours, que la perte de celui que l'on a aimé vous hante tellement qu'elle donne lieu à de véritables hallucinations ? Ou bien, comme le personnage principal du nouveau long-métrage d'Arie Posin, décideriez-vous de tout faire pour retrouver cet individu tant il vous rappelle l'être perdu, convaincu que chacun d'entre nous a un sosie quelque part dans le monde ?

Les premières minutes du film permettent d'installer le récit de manière plutôt brève mais pas moins efficace : les quelques séquences mettant en lumière l'amour fusionnel entretenu par Nikki et son mari Garret laissent rapidement place aux images du sort tragique réservé à ce dernier. S'en suit alors une série de scènes confondant présent et flashbacks, dont la fonction semble être de dresser le portrait de Nikki après cet évènement dramatique, celui d'une veuve à peine remise de son deuil et sans cesse hantée par le passé. C'est en cela que la première apparition du personnage de Tom est amenée de manière particulièrement judicieuse : après avoir été confronté à ces images de souvenirs resurgissant tout droit d'une époque bel et bien enterré, son entrée en scène dans le récit nous amène forcément, tout comme Nikki d'ailleurs, à nous poser de nombreuses questions.

Pourtant, le film écarte très rapidement les hypothèses fantastiques pour lesquelles le spectateur pourrait pencher au vu de l'apparition d'un tel sosie. Pour ôter tout doute quant à l'existence de ce personnage que l'on pourrait aisément prendre pour un fantôme ou le fruit de l'imagination de Nikki, un passé lui est rapidement attribué. Le scénario de The Face of loverepose donc bien sur des similitudes physiques entre les deux hommes. Difficile en effet d'imaginer une ressemblance plus frappante, étant donné que ces deux personnages sont interprétés par le même acteur : Ed Harris.

Par la suite, le récit s'attache à retarder le moment fatidique où la sombre vérité sera révélée à Tom, de sorte que le piège dans lequel Nikki s'est engagée d'elle-même se referme peu à peu sur elle. Le spectateur, complice de ses mensonges, assiste à la naissance de cette romance vouée à l'échec sitôt que la véritable raison de l'amour de Nikki pour Tom, quelque peu malsaine, sera connue du principal intéressé. Par moments, la narration a tendance à s'essouffler ou tourner un peu en rond, de sorte que l'on attendrait presque avec impatience l'élément de l'intrigue qui viendra troubler cette relation d'apparence si parfaite mais finalement impossible.

Toutefois, les choses s'accélèrent lorsque la fille de Nikki (Jess Weixler) découvre avec horreur le portrait craché de son défunt père en la personne de Tom. Cette scène précède un enchainement d'évènements mieux maitrisé, qui propulse la dernière partie du film vers une dimension plus glauque, un aspect relativement absent auparavant bien que le scénario s'y prête pourtant pleinement. En effet, il aurait été facile pour Arie Posin de faire de The Face of love le récit trop pessimiste d'une femme cédant progressivement à la folie, tentant de ressusciter son mari sans n'avoir plus aucune accroche avec la réalité.

Le réalisateur ne fait pourtant qu'effleurer cette piste, et préfère nous offrir un résultat beaucoup moins sombre, et même teinté d'optimisme. The Face of love bénéficie grandement des performances remarquables d'Annette Bening et d'Ed Harris, et s'avère être un film bouleversant.

 

Vu le 26 Mai 2014, au Club Marbeuf, en VO.

Note de Noodles:

Critique de Tootpadu

Ce n’est sans doute pas par hasard que l’affiche de l’un des plus célèbres films de Alfred Hitchcock apparaît furtivement dans le deuxième long-métrage de Arie Posin. Car Sueurs froides et The Face of love racontent essentiellement la même histoire d’une obsession morbide, qui mêle des fantasmes à un amour sincère jusqu’à ce que la frontière entre le rêve romantique et la dure réalité s’effacent. Les rôles sont toutefois redistribués entre les personnages masculins et féminins, ce qui influe directement sur le ton du film, plus doux et hésitant ici que dans la quête policière que Scottie entreprend pour retrouver sa Madeleine. Néanmoins, le déroulement de l’intrigue, l’apparition de certains personnages secondaires, comme le voisin qui est secrètement amoureux de Nikki, ainsi que l’importance de la peinture, contemplée au musée ou créée chez soi, nous laissent supposer que le réalisateur de ce film touchant est allé chercher un nombre conséquent d’inspirations dans le chef-d’œuvre hitchcockien.

Il est alors d’autant plus notable que le film réussit à trouver son propre point de vue, qui n’est nullement celui du thriller, où le suspense naît de l’avance que le spectateur prend sur le protagoniste, mais pas non plus exactement celui de cette femme qui s’adonne consciemment à un jeu dangereux. Nikki, interprétée magistralement par Annette Bening, n’est presque jamais dupe de la supercherie dans laquelle elle s’embarque de plein gré. Elle sait que cette deuxième chance à l’amour est d’emblée condamnée à l’échec, si elle n’y glisse pas rapidement une part de vérité. La dynamique du couple se démarque d’ailleurs par une maturité qui s’exprime de plus en plus par les tentatives sous forme d’aveux de la part de Tom. On y décèle la possibilité d’un amour profond, peu importent les antécédents qui ont pesé sur le choix de Nikki, mais seulement à condition que cette dernière finisse par jouer cartes sur table. Ce moment fatidique, on l’attend longtemps. Trop longtemps pour qu’il puisse encore sauver une relation bâtie sur le mensonge, mais juste à temps pour mettre Nikki face aux responsabilités qu’a engendré sa décision égoïste.

A l’image du maître Hitchcock, le réalisateur aime apparemment bien brouiller les pistes. Mais ce goût pour l’écart ne se manifeste pas par un récit au fil narratif flou. Il se conjugue au contraire par le biais d’une liberté à l’écart. Celle-ci ose laisser de côté la nécessité incontournable de la révélation des motivations de Nikki, pour mieux esquisser une aventure romantique joliment ordinaire. Nous sommes en effet très loin ici des clichés habituels, si tant est que le cinéma américain a l’habitude d’évoquer l’amour entre des personnes qui ont plus que la trentaine. L’aspect le plus touchant du film – et celui qui est traité avec le plus de doigté – s’avère donc être cette hésitation constante de franchir le pas, pour des raisons diverses selon les participants. Grâce à cette subtilité émotionnelle, qui doit beaucoup au jeu tout en finesse de Bening et de Ed Harris, le film dépasse le stade de simple référence mineure au sommet cinématographique de Hitchcock pour trouver sa propre raison d’être, aussi plaisante que le cadre californien dans lequel se déroule cette histoire faussement tortueuse.

 

Vu le 26 mai 2014, au Club Marbeuf, en VO

Note de Tootpadu: