Swim little fish swim

Swim little fish swim
Titre original:Swim little fish swim
Réalisateur:Ruben Amar, Lola Bessis
Sortie:Cinéma
Durée:98 minutes
Date:04 juin 2014
Note:

Alors que sa mère, l’artiste reconnue Françoise De Castillon, souhaite qu’elle rentre en France, la jeune vidéaste Lilas est décidée de tenter seule sa chance à New York. Sans domicile depuis qu’elle a rompu avec son copain, un peintre expérimental, elle trouve refuge par l’intermédiaire de son amie Shiraz dans l’appartement exigu de Leeward et Mary. Alors que Leeward, un compositeur très à cheval sur la pureté de son talent artistique, l’encourage à démarcher les galeries afin que son travail soit reconnu, Mary voit d’un mauvais œil cette nouvelle intrusion dans son espace familial. Car pendant que cette infirmière fait de longues heures à l’hôpital pour assurer l’avenir matériel de sa fille Rainbow, son mari cultive oisivement le rêve d’une carrière musicale qu’il n’est pas encore prêt à accomplir.

Critique de Tootpadu

New York et la représentation cinématographique de ses quartiers, clairement délimités en termes de cultures qui y vivent et s’y expriment. Entre le microcosme de la finance à Wall Street, les enclaves juives et l’intelligentsia huppée autour de Central Park, il existe toujours quelques recoins attachés à la culture sous sa forme la plus brute et immédiate. En somme, tout le monde peut se prendre pour un artiste dans cette ville foisonnante, qui est en fait la capitale culturelle des Etats-Unis, mais cela ne veut nullement dire que cette folie des grandeurs créatives doit se solder forcément par un épanouissement des sens et de l’existence. En attendant que leur rêve se réalise, des milliers d’acteurs, de peintres, de danseurs, de chanteurs et d’écrivains en herbe y alimentent une économie de la subsistance, qui répond à la seule beauté – très subjective bien sûr – d’un équilibre précaire des richesses. Swim little fish swim cherche à sonder ce paradoxe apparent entre l’art et la réalité. Il n’y parvient qu’en partie, aussi parce qu’il n’ose pas prendre parti pour l’une ou l’autre des philosophies de vie diamétralement opposées des personnages.

Le point de vue de ce premier film guère prometteur n’arrête en effet pas de changer, sans qu’un roman d’apprentissage substantiel n’éclose de cette histoire légère. Alors que Lilas nous sert comme première point d’accès à ce monde aux règles gentiment anarchiques, l’accent de la narration est rapidement mis sur les rapports conflictuels au sein du couple. Le manque de maturité flagrant de Leeward entre ainsi en opposition avec les efforts inlassables de son épouse de tenir à flot leur petite barque familiale. La présence d’un sous-locataire supplémentaire ne change alors pas grand-chose à leur incompatibilité profonde, encore exacerbée par la conception presque caricaturale des personnages. La mise en scène de Lola Bessis et Ruben Amar paraît en effet prétendre au grand conte moral, alors qu’elle refuse catégoriquement de soutenir soit le style de vie joyeusement irresponsable du compositeur désœuvré, soit la névrose de cette mère de famille qui n’en peut plus d’être la seule à disposer d’un projet de vie sérieux.

Quelques instants pleins de vie, comme la déambulation de Lilas à travers le parc au début du film ou le sens de l’hospitalité très prononcé dont Leeward fait preuve plus qu’une fois, ne suffisent pas tout à fait pour conférer au film une ligne directrice forte. Il s’agit donc d’un semi-échec, d’autant plus regrettable que les paroles des chansons chantées par Leeward étaient empreintes d’une certaine mélancolie lucide, qui fait sinon amèrement défaut à ce film plutôt mou.

 

Vu le 28 mai 2014, au Club Marbeuf, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Noodles

Pas de doute, New York est bel et bien un immense chaudron culturel d’où se dégage une énergie créatrice que l’on ne trouve nulle part ailleurs. Le cinéma indépendant américain n’a d’ailleurs pas manqué de mettre en avant cet aspect de la ville, notamment à travers le cinéma de John Cassavetes ou Jim Jarmusch, mais également dans les films de Woody Allen. C’est cette même volonté de capter le bouillonnement artistique de la ville de New York qui habite les deux français Lola Bessis et Ruben Amar, qui nous livrent ici leur premier long-métrage en tant que réalisateurs.

La découverte du milieu artistique new-yorkais s’effectue par le biais de Lilas, une jeune vidéaste française interprétée par la coréalisatrice Lola Bessis. Dans un premier temps, le film s’attache à décrire les errances enjouées de cette jeune femme au look vintage avec un optimisme presque agaçant  (la vie semble bien facile pour cette fille privilégiée dont la mère est une célèbre galeriste). Malheureusement, comme le lui rappelle à juste titre la femme s’occupant du renouvellement de son visa, s’autoproclamer artiste ne suffit pas. Pourtant, même une fois confrontée à certaines réalités, le personnage de Lilas peine à donner à Swim little fish swim un véritable intérêt d’un point de vue narratif.

L’intérêt de ce film somme toute assez frais et sincère est plutôt à chercher du côté de Leeward, ce sympathique mais irresponsable mari et père de famille incarné par Dustin Guy Defa. Son acharnement anticapitaliste et son insouciance à toute épreuve prêteraient presque plus à rire qu’autre chose s’il n’y avait pas sa femme Mary, ancrant le récit dans une réalité bien loin d’être utopique. Là où le film de Lola Bessis et Ruben Amar traite cette opposition de caractères avec intelligence, c’est qu’à aucun moment il ne semble émettre de jugement envers l’attitude de ces deux personnages, surtout celle de Leeward bien plus facilement blâmable.

La caméra constamment en mouvement parvient efficacement à capter sur le vif à la fois l’énergie mais aussi la certaine douceur qui émane des personnages. Toutefois, peut-être que la meilleure façon de mettre en avant la scène underground de New York aurait justement été d’intégrer une dimension expérimentale au processus de réalisation, c’est-à-dire de créer un véritable lien entre le fond du film et sa forme. Sans pour autant être un mauvais premier film, Swim little fish swim ne s’avère pas être aussi plaisant que la délicieuse musique folk qui lui sert de bande originale.

 

Vu le 28 mai 2014, au Club Marbeuf, en VO

 

Note de Noodles: