Sunhi

Sunhi
Titre original:Sunhi
Réalisateur:Hong Sang-soo
Sortie:Cinéma
Durée:88 minutes
Date:09 juillet 2014
Note:

Après avoir été absente pendant un certain temps, Sunhi, une jeune étudiante en cinéma, se rend à l’université, afin de demander une lettre de recommandation à son professeur Donghyun. Elle compte en effet partir quelques années aux Etats-Unis. Donghyun lui promet d’écrire une évaluation honnête, quoique pas forcément utile, de ses capacités. A la sortie de l’université, Sunhi attend Munsu, un ancien camarade de classe et amant, qui a repris les cours après un premier film décevant. Elle lui reproche d’avoir mis trop d’éléments de leur vie commune dans son film. Secoué par ces retrouvailles, Munsu cherche la compagnie et le conseil du réalisateur Jaehak, qui habite l’ancien appartement de Donghyun.

Critique de Tootpadu

Les films de Hong Sang-soo se suivent et se ressemblent. On y discute beaucoup, dans des restaurants ou lors de rencontres fortuites dans la rue. Les femmes y engueulent les hommes et inversement. Et chaque fois, il s’en dégage une forte sensation de mélancolie, comme si le réalisateur regrettait que son parcours de cinéaste ne se soit pas passé différemment. Pourtant, derrière cet effet de répétition à l’infini se cachent les bases d’une œuvre fascinante, bien plus européenne dans sa rigueur et son exclusivité thématique que les autres produits d’un cinéma coréen au croisement formel entre l’Occident et l’Orient. Ce ne serait certes pas très original de comparer le style de Hong Sang-soo à celui de Eric Rohmer. Mais dans les films de ces deux réalisateurs intimistes s’exprime une même volonté d’éblouir le spectateur grâce à la nuance presque imperceptible dans un contexte verbeux et formellement austère.

A condition de vous abandonner à l’exigence narrative de Sunhi, vous pourriez y trouver une nouvelle fois une histoire touchante sur l’impossibilité de l’amour dans l’environnement intellectuel et artistique que le réalisateur affectionne depuis toujours. Outre des face-à-face tournés en de longs plans fixes, tout juste perturbés par de rares zooms, il ne s’y passe pas grand-chose. Toutefois, la redondance des décors et des paroles exerce un étrange pouvoir de fascination sur le spectateur assez téméraire pour affronter pareille entreprise minimaliste. Les personnages n’y sont pas tant immobiles qu’incapables d’agir face à leurs troubles romantiques. L’alcool paraît alors comme une échappatoire peu efficace. De toute façon, comme le savent fort bien les habitués du cinéma selon Hong Sang-soo, il y est principalement question de doute et de malaise existentiel, sans que cette déprime ne se traduise par autre chose que des films doucement envoûtants.

Aucunement disposé à marquer une rupture dans l’œuvre du réalisateur, ce film s’inscrit parfaitement dans sa continuité. Il n’y a point d’élément à découvrir dont ses histoires précédentes n’auraient pas déjà parlé auparavant. Ce qui n’empêche que le récit fait preuve d’une remarquable maturité, jamais plus poignante que lors de cette conclusion aussi subtile que douce-amère, lorsque les différents fils de l’intrigue, c’est-à-dire les trois prétendants à l’amour de Sunhi, se retrouvent. L’absence d’un sursaut dramatique convient alors parfaitement à ce film, qui accomplit dans le calme stoïque sensiblement plus que d’autres histoires de flottement amoureux dans la précipitation irréfléchie.

 

Vu le 2 juillet 2014, à la Salle Pathé Lincoln, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Noodles

Le rythme assez soutenu avec lequel Hong Sang-soo construit sa filmographie désormais constituée de quinze long-métrages pourrait-il s'expliquer par le fait que ses films sont bien souvent très similaires ? Il va sans dire que l'oeuvre coréenne qui est certainement la plus appréciée de la critique française est caractérisée par une grande homogénéité, tant sur la forme que sur le fond. En effet, le cinéaste semble peu enclin à se lancer dans diverses expérimentations de mise en scène ou d'explorer des schémas narratifs inattendus venant de sa part, et aborde bien souvent les mêmes thèmes. Loin de contredire notre propos, son nouveau long-métrage Sunhi s'inscrit dans la continuité du travail de ce réalisateur dont la carrière avait débuté en 1996 avec son premier film Le Jour où le cochon est tombé dans le puits.

Sunhi se présente donc comme un enchaînement de plans séquences fixes dont la longueur pourrait sans doute déstabiliser les spectateurs non habitués au style de Hong Sang-soo. La mise en scène particulièrement dépouillée refuse tout gros plan ou champ/contre-champ, et le cinéaste préfère curieusement user du zoom afin de cadrer au mieux les personnages dont les discussions constituent véritablement l'élément central du film. Un tel parti pris de mise en scène permet en tout cas de laisser une large place aux dialogues, pimentés par le fait que les protagonistes ont souvent quelques verres dans le nez (l'ivresse est décidément un thème de prédilection dans le cinéma du réalisateur).

Le scénario, peu surprenant, se laisse guider par un schéma narratif encore une fois caractérisé par la récurrence. C'est d'ailleurs une fois que le spectateur a saisi ce jeu de répétition sur lequel se base le récit que Sunhi dévoile véritablement son charme et sa tendresse, appuyés par la performance des comédiens dont le naturel nous éblouit. La direction d'acteur impeccable permet ainsi de dresser le portrait de personnages plus complexes qu'ils n'en ont l'air, et dont le vertige existentiel n'est jamais avoué, ou alors à demi-mot. La question principale que pose le film est bien de savoir s'il est possible de résumer la personnalité d'un individu à l'aide d'une poignée d'adjectifs : « gentille, bizarre, courageuse, réservée et dotée d'un grand sens artistique », cela suffit-il à définir Sunhi, cette jeune fille fascinant les trois hommes qui gravitent autour d'elle ?

Sunhi se présente finalement comme un film paresseux mais très loin d'être désagréable. Venant se ranger bien sagement à la suite d'une œuvre cohérente et plaisante, ce nouveau long-métrage est cependant un peu décevant, dans le sens où il nous prouve que Hong Sang-soo n'est prêt à changer de dispositif cinématographique, et n'a décidément pas l'intention de surprendre son public. 

 

Vu le 2 juillet 2014, à la Salle Pathé Lincoln, en VO.

Note de Noodles: