Chut !

Chut !
Titre original:Chut !
Réalisateur:Jean-Pierre Mocky
Sortie:Cinéma
Durée:88 minutes
Date:24 mars 1972
Note:

A Angers, Fritz Ducharrel réunit les chèques des petits épargnants pour la souscription de la Caution foncière, qui est censée rapporter un rendement de 12 %. Alors que les participants font la fête pour célébrer le démarrage de l’opération financière, Ducharrel apprend par le biais de l’inspecteur Sergel qu’il s’agirait d’une énorme escroquerie. Il s’efforce alors de récupérer l’argent de ses clients, quitte à faire chanter un député impliqué dans l’affaire.

Critique de Tootpadu

Jean-Pierre Mocky se place une fois de plus du côté des marginaux et autres laissés-pour-compte d’une société française gouvernée par le capital et des fonctionnaires véreux dans ce film du début des années 1970. La charge qu’il mène contre les chimères de l’argent facile résonne même encore d’une certaine façon quarante ans plus tard, alors que les marchés financiers à travers le monde ne sont plus à une implosion près. Le ton n’a pas tellement changé non plus entre cette farce burlesque et les films contemporains du réalisateur, qui mettent à l’honneur un style de vie lubriquement contestataire. Ici, ces pratiques minoritaires se conjuguent par l’intermédiaire de l’individu proprement « indescriptible » dont la proximité et les pieds velus mettent le protagoniste dans tous ses états. Rien que pour cet état d’esprit hors du commun, Chut ! pourrait valoir le détour.

Car pour le reste, il s’agit d’une comédie policière quelque peu fatiguée. Une fois la prémisse expliquée, il n’y a en effet plus de carburant dramatique pour faire tourner le récit, autre qu’un enchaînement de courses poursuites passablement amusantes. Les limites de la mise en scène toujours aussi décousue de Jean-Pierre Mocky y deviennent d’autant plus flagrantes, que les séquences dans les rues d’Angers la nuit ou dans le studio d’enregistrement parisien lorgnent dangereusement vers une forme de bravoure comique, que seuls des réalisateurs comme Blake Edwards et Mel Brooks maîtrisaient parfaitement à cette époque-là. L’absurdité omniprésente et point politiquement correcte sert alors de seule bouée de sauvetage à une histoire, qui a sinon fâcheusement tendance à tourner en rond.

Ce n’est donc que dans le souffle global de la filmographie de Jean-Pierre Mocky que ce film plutôt mineur trouve sa légitimité. Il en reprend certes les thèmes essentiels, mais sans les approfondir malgré une tendance plaisante au rythme enjoué. Sinon, la narration applique la recette éprouvée de la surcharge comique, qui multiplie les blagues et les trouvailles visuelles ou verbales, dans l’espoir que l’une ou l’autre d’entre elles fera mouche. C’est trop peu pour en faire un film marquant, bien que son charme assez désuet nous épargne une expérience cinématographique frustrante.

 

Vu le 2 juillet 2014, à la Cinémathèque Française, Salle Georges Franju

Note de Tootpadu: