Titre original: | Maintenant ou jamais |
Réalisateur: | Serge Frydman |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 95 minutes |
Date: | 03 septembre 2014 |
Note: |
La professeur de piano Juliette et son mari Charlie viennent de souscrire à un crédit qui leur permettra de construire un pavillon loin de Paris. Mais cet avenir radieux pour leur famille s’assombrit quand Charlie perd son emploi. De surcroît, Juliette est la victime d’un vol à l’arraché. Quand elle est convoquée au commissariat pour identifier son agresseur présumé, elle préfère garder le silence. Car ce n’est pas de la vengeance qu’elle recherche. Elle confronte seule le voleur Manu, grâce auquel elle espère réussir le braquage d’un distributeur avant les fêtes de Pâques.
Un malheur ne vient jamais seul. C’est sous la prémisse de ce dicton que paraît démarrer le nouveau film de Serge Frydman. Le bonheur potentiel de l’idylle familiale, évoquée à travers la visite du chantier où les enfants prennent d’ores et déjà possession de leurs chambres respectives, y est anéanti sans avertissement. Seule la perfection apparente de la vie de Juliette et des siens nous laisse présager a priori la descente aux enfers à venir. Le premier coup de semonce survient sous la forme d’un coup de fil. Grâce à l’économie narrative remarquable de Maintenant ou jamais, le doute persiste brièvement sur la nature du désastre. S’agit-il d’un accident, d’une maladie, voire d’un décès brutal ? Finalement, ce n’est que le contrat à durée déterminée du mari qui a fait les frais d’un climat social précaire. Or, dans le contexte de cette famille ordinaire, qui rêvait d’une vie plus confortable, cet incident de parcours correspond à une remise à zéro de tous les compteurs matériels. Et puis, comment se serrer la ceinture si le sort s’acharne sur Juliette et Charlie, notamment par le biais de cette agression en pleine nuit, qui est, elle, amenée par des dispositifs formels sensiblement plus explicites ?
La réponse que ce film fascinant propose à un tel dilemme existentiel est plutôt inattendue. Loin des poncifs du justicier animé par la rage volontariste, le parcours du personnage principal se déroule avec une fluidité douce qui aménage pourtant une petite place de choix au scrupule. Ce n’est point la dimension sociale du périple de cette femme aux abois qui se trouve au cœur du récit, mais davantage le côté intimiste de l’égarement du pilier de la famille. Ainsi, le film séduit surtout par son portrait touchant d’une femme qui n’a pas peur d’aller jusqu’au bout de son plan déraisonnable. Le prix qu’elle devra payer pour préserver l’aisance matérielle de son entourage proche sera certes plus élevé qu’elle ne le redoutait. Mais en même temps, cette parenthèse quasiment criminelle lui aura permis de s’affranchir du rôle contraignant de l’épouse parfaite et trop pragmatique pour s’accrocher à ses rêves.
Outre la finesse du maniement du fil narratif déjà évoquée plus haut, le film séduit également par la sincérité des interprétations, celle de Leïla Bekhti en tête. Aux côtés de ses partenaires masculins, le ténébreux Nicolas Duvauchelle et le fiable Arthur Dupont, elle incarne avec bravoure un personnage qui se promène sans gêne hors des sentiers battus. Ce sont des jeux d’acteurs d’un tel calibre qui confèrent l’intensité nécessaire à un film, dont la partie policière relève du coup presque de l’anecdote ou du fait divers sans conséquences graves.
Vu le 3 juillet 2014, au Club Marbeuf
Note de Tootpadu:
Note de Mulder: