Palerme

Palerme
Titre original:Palerme
Réalisateur:Emma Dante
Sortie:Cinéma
Durée:93 minutes
Date:02 juillet 2014
Note:

Rosa et sa copine Clara sont revenues à Palerme pour le mariage d’un ami. Sous un soleil de plomb propre à l’été sicilien, elles se trompent de chemin et se retrouvent dans les ruelles à sens unique des quartiers populaires. Leur périple se termine brusquement, quand leur voiture se trouve nez à nez avec celle de la famille Calafiore, de retour d’une journée de pêche et tout près de leur domicile. A son volant se trouve Samira, la belle-mère aussi silencieuse que redoutable du patriarche Saro. Malgré les énervements et les coups de klaxon de part et d’autre, ni Rosa, ni Samira ne son prêtes à reculer afin de laisser passer la voiture de l’autre. Cette situation inextricable ne tarde pas à attirer l’attention de tout le voisinage de la rue Castellana Bandiera.

Critique de Tootpadu

Les recettes éprouvées de la comédie à l’italienne subissent un petit coup de peinture fraîche dans ce premier film curieux. Une situation de départ passablement absurde y mène à un récit, qui sait trouver le juste équilibre entre la farce et une approche plus intimement humaine. La narration de Emma Dante préfère en effet ne pas trop forcer le trait, ni d’un côté, ni de l’autre du spectre dramatique, pour mieux aboutir à un film à peine plus doux qu’amer. Même s’il devient du coup plus difficile pour le spectateur de savoir avec quel personnage s’identifier, ce mélange de tons confère un climat d’incertitude surprenant à Palerme. Ce dernier s’avère en fin de compte un peu trop tributaire de sa prémisse pour nous enthousiasmer réellement. Il réussit cependant à créer un lien précieux entre le cinéma italien d’antan et un regard cinématographique contemporain, empreint d’une certaine nostalgie bienveillante à son égard.

Les considérations esthétiques et romantiques sur lesquelles s’ouvre le film ont ainsi du mal à tenir sur sa durée plus que raisonnable. Elles donnent par contre un aperçu différent des personnages, qui vont s’affronter bientôt dans ce face-à-face burlesque. La mise en scène subtile va même encore un peu plus loin, en instaurant d’emblée une tension et une attention au détail, qui seront ses meilleurs alliés pour camoufler plutôt adroitement les lacunes de l’histoire en termes de profondeur. Les boîtes de conserves qui pullulent sur le fond marin des tous premiers plans, que l’on pourrait aisément interpréter comme un commentaire sur la pollution galopante de la mer Méditerranée, sont en fait les outils de pêche de la famille aux revenus modestes qui affrontera sous peu le couple lesbien. Sauf que l’identité sexuelle des deux femmes est traitée avec le même refus catégorique d’en faire un enjeu digne d’intérêt de l’histoire.

Car c’est plus la réaction instinctive des personnages à ce fait divers bizarre qui paraît intéresser la narration que les poncifs folkloriques et autres traits de caractère campés hâtivement. Par moments, on se croirait certes revenu à la grande époque des années 1960 et ’70, où des réalisateurs comme Ettore Scola dressaient des portraits au vitriol de la société italienne affreuse, sale et méchante. Mais ces intermèdes, comme l’organisation d’une loterie locale pour savoir qui cédera la première, sont invariablement supplantés par un retour à l’essence de l’intrigue, aussi ténue soit-elle. Les véritables motivations des deux conductrices têtues restent hélas assez rudimentaires. Or, c’est justement la volonté de ne pas trop s’y attarder qui permet au film d’atteindre une forme joliment chorale, dans la plus pure tradition des épopées pittoresques à l’italienne.

Ce ne sont guère les décisions individuelles qui y importent, mais l’élan collectif suite aux revirements soit comiques, soit tragiques. Parmi ces derniers compte l’ultime plan, tout à fait mémorable, qui oppose le champ désormais libre de la rue si férocement disputée auparavant à la foule qui accourt pour constater de ses propres yeux l’ampleur des dégâts. Ceux-ci restent judicieusement hors-champ, comme une preuve supplémentaire de la pudeur qui caractérise dans son ensemble ce film fascinant.

 

Vu le 28 juillet 2014, au Cinéma des Cinéastes, Salle 3, en VO

Note de Tootpadu: