Des lendemains qui chantent

Des lendemains qui chantent
Titre original:Des lendemains qui chantent
Réalisateur:Nicolas Castro
Sortie:Cinéma
Durée:94 minutes
Date:20 août 2014
Note:

Le 10 mai 1981, le journaliste en herbe Léon fête la victoire électorale de François Mitterrand. Pendant cette soirée remplie d’espoir pour un nouveau départ, il fait la connaissance de Noémie, une jeune militante et future énarque. C’est le coup de foudre entre eux, qui ne dure pourtant que trois jours, jusqu’à ce que Noémie parte à Paris. Des années plus tard, Léon monte lui aussi à la capitale, convaincu qu’il pourra apporter sa touche idéaliste au monde des médias. Mais l’époque a changé : Olivier, le frère aîné de Léon et ancien trotskiste, est devenu un publicitaire opportuniste et les attaques de Léon contre Bernard Tapie sont désormais passées de mode. Au moins, Léon retrouve Noémie, conseillère du président et petite amie de Olivier.

Critique de Tootpadu

Des lendemains qui chantent, des personnages qui désenchantent, mais que devient le spectateur dans tout cela ? Ce premier film entreprend la tâche hasardeuse de joindre l’histoire personnelle d’une vie à la grande Histoire de France au fil des années 1980. Pareil souffle épique est un des genres de prédilection outre-Atlantique, où chaque Américain participe en quelque sorte à accomplir le destin de supériorité morale auquel aspire sans cesse cette nation obnubilée par elle-même. En France, par contre, la politique provoque davantage le mépris et la méfiance, conformément à l’état d’esprit plus individualiste, voire pleurnichard qui règne dans nos contrées. La dernière fois qu’il en était autrement, c’était suite à l’élection de François Mitterrand au poste de président de la république, il y a plus de trente ans déjà. Face à la morosité ambiante, magistralement incarnée par le chef de l’Etat actuel, cet engouement enchanté, plein d’espoir et d’optimisme, ne peut prêter qu’à la nostalgie sous sa forme la plus pure. Sauf que cette parenthèse magique était si éphémère que le retour aux affaires courantes, à savoir des magouilles de politiciens et un régime de rigueur dont nous ressentons encore les répliques déplaisantes, avait vite fait retomber l’enthousiasme.

Si l’ambition de Des lendemains qui chantent avait été de raviver cette flamme et de montrer que le dégoût de la politique n’est pas une fatalité, il aurait au moins eu l’avantage de rompre avec des préjugés hélas trop souvent confirmés par les agissements peu honorables de nos représentants parlementaires. Or, puisque le cinéma et la politique n’ont jamais fait bon ménage en France, l’intrigue s’amuse modestement à colporter quelques événements historiques ou culturels par le biais du parcours d’un homme somme toute ordinaire. Accablé du rôle de narrateur en plus de celui de protagoniste récalcitrant, Léon est un bon gars, aux convictions peu solides qui se laisse emporter par nécessité dans le tourbillon néo-libéral qui avait balayé la décennie, en dépit des gouvernements socialistes. Malgré la frimousse séduisante de Pio Marmaï, ce n’est pas un personnage suffisamment fort pour porter sur ses épaules un film, qui a beaucoup trop souvent recours à l’anecdotique.

Les grands soubresauts de l’Histoire française récente, de l’élection de Mitterrand à l’arrivée de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour, en passant par la finale de la Coupe du monde de football, ne provoquent en effet qu’une réaction plus ou moins blasée chez Léon et ses potes. Tandis que ce comportement détaché reflète bien l’indifférence des Français à l’égard de tout ce qui touche de près ou de loin à la politique, il confirme paradoxalement – au détriment de ce film-ci – que cela ne sert au fond à rien de tenter de faire coexister les deux mondes mutuellement exclusifs de la politique et du cinéma. Le seul à suivre depuis une distance raisonnable ces agissements plus ou moins opportunistes est le père, interprété avec la dignité habituelle par André Dussollier. Que les séquences au cours desquelles il évolue vers une sorte de sérénité, à l’opposé de la névrose croissante de ses deux fils, sonnent presque faux dans le contexte d’un film qui court vainement après la pertinence historique et idéologique, cela est symptomatique de cette tentative guère réussie de ramener nos souvenirs vagues des années ’80 à un simple conte d’apprentissage de la vie.

Bref, le film qui tiendra compte de façon exhaustive de la « génération Mitterrand » reste à faire. A moins que cette capsule temporelle soit trop complexe ou même confuse pour se laisser dompter par les dispositifs après tout réducteurs du cinéma …

 

Vu le 5 août 2014, à la Salle UGC

Note de Tootpadu: