Miracle au village

Miracle au village
Titre original:Miracle au village
Réalisateur:Preston Sturges
Sortie:Cinéma
Durée:99 minutes
Date:02 décembre 1948
Note:

Une chose incroyable s’est produite dans la petite ville de Morgan’s Creek. Tout a commencé lors d’une fête pour le départ des conscrits stationnés dans les alentours. Trudy Kockenlocker, la fille du policier local, avait promis de les embrasser avant qu’ils ne partent sur le front européen. Puisque son père, un vétéran de la guerre de 14-18, lui avait interdit de sortir, elle avait pris l’invitation d’aller au cinéma de son ami d’enfance Norval comme prétexte pour faire la bringue. Grand mal lui en a pris, car au lendemain matin, elle se souvient très vaguement d’avoir épousé un soldat. Pire encore, il s’avère qu’elle est enceinte de son mari, dont elle ignore tout. Pour éviter le scandale, elle tente de persuader Norval de l’épouser.

Critique de Tootpadu

L’attente créée par le récit cadre de cette comédie loufoque est si grande que la chute finale ne peut que nous décevoir. Alors que nous nous attendions à une révélation tonitruante, à la hauteur du miracle sur lequel le gouverneur et le journaliste s’extasiaient depuis plus d’une heure au téléphone, le dénouement y relève plus du fait divers mignon que du revirement sensationnel. Heureusement que Preston Sturges a su nous rendre le temps d’attente plaisant par le biais d’un humour irrévérencieux, qui aborde sans fausse pudeur des sujets sans doute controversés à l’époque. Grâce à son écriture et à sa mise en scène endiablées, Miracle au village demeure un film hautement divertissant, dans la lignée des autres absurdités cyniques de son réalisateur, un drôle d’observateur des égarements de la race humaine.

Derrière le cabotinage sans gravité de Eddie Bracken et de Betty Hutton, dans un environnement social qui perpétue à première vue l’idylle de la province américaine, se cache ainsi un regard sans complaisance sur le caractère imparfait des personnages. Ni Trudy et sa joie de vivre inconsciente, ni Norval et sa timidité maladive ne sont en mesure d’affronter une existence, qui exige d’eux un conformisme total envers les mœurs courantes. Bien qu’ils suivent, chacun à sa façon, un idéal romantique impossible à atteindre, ils devront tôt ou tard se rendre à l’évidence qu’ils sont condamnés à vivre ensemble. La comédie résulte alors du fait que, malgré cette prise de conscience assez résignée, toute une série de contretemps extravagants rendra leur union impossible.

En maintenant l’équilibre fragile entre la réalité sinistre de la situation compromettante de cette future mère célibataire et les solutions plus abracadabrantes les unes que les autres pour se tirer d’affaire, la narration joue habilement avec les codes moraux de rigueur à l’époque. Elle va jusqu’à anticiper tout un pan de la comédie américaine des années suivantes – en tout cas jusqu’à la libération sexuelle plus de vingt ans plus tard –, dont le fond de commerce consistait essentiellement à interroger la probité morale d’hommes et de femmes en proie à des pulsions libidineuses aux conséquences sérieuses. A la différence cruciale près que ces films-là s’employaient à refléter avec un retard certain une évolution sociale irréversible, tandis que cette farce-ci faisait preuve d’un manque de conformisme aussi jubilatoire que précoce.

 

Vu le 27 août 2014, au Reflet Médicis, Salle 2, en VO

Note de Tootpadu: