Camp X-Ray

Camp X-Ray
Titre original:Camp X-Ray
Réalisateur:Peter Sattler
Sortie:Cinéma
Durée:117 minutes
Date:25 juin 2015
Note:

La femme soldat Amy Cole a été détachée à la base de Guantanamo Bay, afin d’y assurer la surveillance de détenus djihadistes. Certains de ces hommes y sont déjà incarcérés depuis huit ans. Parmi eux, le détenu n° 471, qui commence par provoquer la nouvelle recrue. Elle finit pourtant par se lier d’amitié avec cet homme au comportement imprévisible. Une sorte de complicité qui est vue d’un mauvais œil dans cette zone de guerre à la répartition des forces hautement inégale.

Critique de Tootpadu

Chaque époque a les prisons mythiques qu’elle mérite. Tandis que le siècle dernier, celle d’Alcatraz inspirait toutes les légendes de gentlemen gangsters assez futés pour s’en évader, le milieu carcéral à l’ordre du jour est celui de Guantanamo, en dehors de tout espace légal à peu près civilisé. Ce symbole de la défaite de deux présidents américains successifs, Bush fils pour l’avoir ouvert et Obama pour ne pas avoir réussi à le fermer, est le cauchemar qui hante les nuits de l’humanité. C’est un casse-tête sans solution, l’équivalent politique et juridique de déchets nucléaires impossibles à faire disparaître. Les hommes qui y sont incarcérés, parce qu’ils auraient apporté leur soutien aux attentats d’il y a treize ans, n’en sortiront sans doute jamais. Les oublier pour mieux les abandonner à leur sort serait donc purement criminel, peut-être la pire des offenses qu’on pourrait infliger à ces individus traités sans ménagement par l’appareil militaire américain. Ne serait-ce que pour cette raison, le premier film du réalisateur Peter Sattler est recommandable.

On y voit en effet à quel point la machine de la torture s’exerce sans frein sur des adversaires inférieurs. Le mauvais traitement y est surtout psychologique, par le biais d’une surveillance qui ne laisse aucune intimité aux détenus. Que personne ne s’insurge contre cette déshumanisation permanente n’a rien de surprenant de la part d’une hiérarchie militaire vouée à l’obéissance aveugle. La faille infime du scénario de Camp X-Ray nous paraît du coup cet attendrissement un peu trop calculé chez l’une des rares femmes de l’unité, qui baisse la garde justement contre celui des faux prisonniers qui lui avait administré le bizutage le plus humiliant. Il y a par conséquent beaucoup de vérité humaine dans ce rapprochement entre cette geôlière trop compatissante et le terroriste présumé soit fou, soit désespéré. Du côté de la probabilité, nous restons par contre plus dubitatifs que pareille infraction à la stricte séparation des deux camps soit possible avant que cette institution décriée ne disparaisse un jour de la surface de la Terre.

Enfin, ce huis-clos prenant bénéficie du jeu d’acteur très solide de Kristen Stewart et de Payman Maadi dans les deux rôles principaux. Alors que la première s’emploie sans cesse et avec de plus en plus de succès à atteindre le même degré d’excellence que de célébrité, le deuxième a enfin droit à un rôle majeur qui dépasse largement les besoins nullement valorisants des stéréotypes ethniques qu’il interprète habituellement.

 

Vu le 10 septembre 2014, au Morny, Salle 2, Deauville, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Chaque année le festival du cinéma américain de Deauville nous présente des films de qualité et souvent encore inédits dans les salles américaines. Camp X-ray est un film sur une jeune militaire, Amy Cole, travaillant à Guantanamo Bay pour surveiller les prisonniers djihadistes. Elle va se lier d’amitié avec un détenu, Ali Amir. Faire un film dont l’histoire se passe à Guantanamo Bay et réussir à le produire n’a pas été facile. Certes la présence de la jeune comédienne Kristen Stewart (mondialement connue pour avoir incarné Bella Swan) a dû faciliter la production de ce film et sa distribution.

Ce film nous livre donc une peinture très réaliste de ce qui se passe à Guantanamo Bay et surtout nous présente les conditions inhumaines et arbitraires du lieu. Le réalisateur et scénariste Peter Sattler pour son premier film témoigne d’un véritable attachement au moindre détail pour rendre le récit prenant et passionnant. Il s’appuie pour cela sur Kristen Stewart qui tient là son meilleur rôle. Après avoir gagné une véritable indépendance financière grâce à la saga Twilight, elle semble actuellement privilégié les films d’auteur comme le montre ce film et Sils Maria du réalisateur Olivier Assayas. Il en ressort qu’elle démontre au travers ces deux films un véritable talent et une présence magnétique à l’écran. Le succès du film Camp X-ray lui doit beaucoup.

Les échanges entre ce prisonnier et cette jeune recrue nous rappellent par moment ceux entre Clarice Starling et Hannibal Lecter. L’indifférence première, la rivalité ensuite laisseront leur place à une véritable amitié. Cette thématique du jeu du chat et de la souris donne à ce film toute sa force et sa sobriété.

Le cinéma indépendant (ce film est produit par Gotham Group et Upload Films) montre qu’il reste une terre abondante pour développer de grands films et surtout donner leur chance à de jeunes réalisateurs et des rôles importants à des comédiens plus habitués à de grosses productions américains.

Camp X-Ray est un de mes coups de cœur du festival du cinéma américain de Deauville et j’espère qu’il trouvera un distributeur en France pour sortir en salles et être découvert et apprécié par le plus grand nombre.

Vu le 08 septembre 2014 au C.I.D., Deauville, en VO

Revu le 14 juin 2015 en Blu-ray , en VO

Note de Mulder: