Père, fils

Père, fils
Titre original:Père, fils
Réalisateur:Aleksandr Sokurov
Sortie:Cinéma
Durée:86 minutes
Date:21 janvier 2004
Note:
Le père et le fils partagent un appartement sous les toits. Depuis des années, ils vivent seuls, dans un monde à part, rempli de souvenirs et de rituels quotidiens. Parfois, on dirait des frères. Parfois même des amants. Suivant l'exemple de son père, Alexei est inscrit à l'Ecole Militaire. Il aime le sport, n'en fait qu'à sa tête. Son amie lui pose problème. Elle est jalouse de la relation trop intime avec son père. Et sachant que tôt ou tard, tout fils doit abandonner le foyer familial, Alexei est troublé. Son père sait qu'il devrait accepter un meilleur poste dans une autre ville, peut-être même envisager de se remarier. Mais qui alors consolera Alexei de ses cauchemars ? Jamais un amour entre père et fils n'aura été aussi fort.
(Source Allociné)

Critique de Tootpadu

Comment rendre compte de l'impact sensuel d'un film, alors que celui-ci est des plus éthéré et languissant, tout en laissant le spectateur perplexe et enchanté par son ton très particulier ? En effet, rarement avons-nous ressenti une telle intensité sensuelle au cinéma, rien qu'à travers des regards insistants, des corps dévêtus, des paroles mystérieuses chuchotées à voix basse, comme lors du réveil après un cauchemar.
A partir de cette scène étrange du début, lorsque le père cherche à calmer son fils après un mauvais rêve, le réalisateur nous laisse planer dans le monde clos de l'appartement familial, une unité de lieu uniquement rompue pour les promenades vertigineuses sur les toits, une visite guidée de la ville en tramway et une rencontre initiale à la caserne. Cet aspect artificiel, sans temporalité précise qui confère un ton des plus fascinants à l'ensemble, est renforcé par une photographie très filtrée, baignée dans le jaune et le brun et qui recourt fréquemment aux effets de distorsion, et par une bande-son post-synchronisée dont la sonorité dénaturée confère une souche de dépaysement supplémentaire à cet univers personnel.
Eminemment exceptionnel et presque unique dans son genre, ce "Père, fils" nous rappelle cependant de par son fond lourd de sens sous une surface brillante, au bord de l'érotisme, le "Querelle" de Fassbinder, la vulgarité en moins. Car l'engagement par lequel le specateur se lie à cette oeuvre singulière dépend finalement du contrat de lecture qu'il conclut avec elle. Probablement au bord de l'ennui si l'on veut la comprendre comme une évocation linéaire d'un amour entre père et fils exprimée sous une forme alambiquée, elle prend une toute autre saveur si l'on se laisse emporter par ses insinuations troubles et son esthétique pas si loin d'un porno soft aux aspirations artistiques. Il n'empêche que sa sensualité est bien plus émotionnelle que charnelle et que cette ode chantée à la gloire du père creuse bien plus profond qu'une simple relation incestueuse.

Vu le 27 janvier 2004, au MK2 Beaubourg, Salle 2, en VO

Note de Tootpadu: