Lou Journal intime

Lou Journal intime
Titre original:Lou Journal intime
Réalisateur:Julien Neel
Sortie:Cinéma
Durée:103 minutes
Date:08 octobre 2014
Note:

Au bord de l’adolescence, Lou vit les derniers instants d’une enfance préservée avec sa mère Emma dans leur appartement, rempli de vieilles babioles. Alors qu’elle tient de nombreux albums qui retracent les moindres faits et gestes de Tristan, le voisin de la maison d’en face, elle n’a jamais eu le courage de lui adresser la parole. Car Lou préfère mettre en scène avec sa meilleure amie Mina des aventures romantiques interprétées par des poupées Barbie dans des décors faits maison. Quand sa mère glisse vers le désespoir, elle devra pourtant prendre les choses en main, d’abord en adoptant un chat, puis en essayant de faire tomber amoureuse Emma de Richard, leur nouveau voisin de palier.

Critique de Tootpadu

Avant de connaître leur premier amour, les filles voient la vie en rose. Cette perspective faussée de conte de fées vole en éclats dès le premier chagrin d’une rupture, mais jusqu’à ce moment-là, pendant la parenthèse enchantée entre l’innocence de l’enfance et les frustrations de l’adolescence, elles se prennent encore à rêver au prince charmant tout en convoitant d’ores et déjà le premier garçon venu. Ainsi, Lou se complaît dans son donjon de bric-à-brac, de vieux bidules qu’elle a glanés avec sa mère en chinant sur les brocantes, mais elle ose également le regard vers l’extérieur, dans la chambre de l’homme présumé de son cœur, qui est l’objet gentiment malsain de tous ses fantasmes. Elle a beau gaver sa meilleure copine avec cette obsession, cette dernière exprime une naïveté romantique pas sans charme et en fin de compte inoffensive. Si Lou Journal intime s’était exclusivement concentré sur cette aventure de midinette, aussi kitsch que les films d’amateur que le personnage principal réalise dans sa chambre avec des poupées, il aurait pu constituer un retour en enfance doucement nostalgique.

Hélas, les ambitions du film et de Lou vont bien au-delà. Pas assez de faire concrètement connaissance avec Tristan, l’adepte des albums aux thèmes farfelus se met de surcroît en tête de sauver sa mère de la déprime amoureuse, susceptible de la transformer en une fleur fanée à l’image des plantes moribondes qui pullulent dans l’appartement familial. Le hic, c’est que la plupart des personnages adultes de cette adaptation que le réalisateur Julien Neel a entreprise de sa propre bande dessinée ne sont guère plus sûrs d’eux que leur progéniture. A commencer par la mère de Lou, qui a visiblement préféré évacuer les soucis de la vie réelle en se murant dans un microcosme rétrograde auquel seuls des individus aussi enfantins qu’elle ont accès. Ce retrait volontaire du monde aurait pu fonctionner s’il relevait simplement de la perception un peu biaisée de sa fille, dont la plus grande inquiétude est de voir sa mère malheureuse. Mais au plus tard quand cette timide maladive, qui devrait avoir mûri un minimum après avoir fugué enceinte une dizaine d’années plus tôt, se cache derrière le frigo lorsque le nouveau voisin sonne à sa porte, le moindre espoir de voir ici autre chose que des enfantillages névrosés s’évapore a priori irrémédiablement.

L’arrivée inopinée de la grand-mère a failli changer la donne. Cette femme acariâtre, interprétée avec malice par Nathalie Baye que l’on ne voit malheureusement plus souvent au cinéma, ramène l’action inconsistante vers un degré de réalité moins rose-bonbon. Or, cet intermède plus conflictuel n’est que de courte durée, puisque le personnage finira tôt ou tard par se laisser amadouer par la niaiserie ambiante. Il ne reste plus alors qu’un grand amalgame de sentiments consensuels sur fond d’objets et même d’un état d’esprit tout droit sortis des années 1980. Pour quiconque veut s’adonner à un voyage dans le passé proche sans le moindre danger d’égarement, ce film peut faire office de divertissement raisonnable. Pour tous les autres, plus exigeants dans l’évocation de l’âge délicat entre l’enfance et l’adolescence sous prétexte d’un journal intime très subjectif, il contient par contre un certain potentiel de déception.

 

Vu le 6 octobre 2014, au Club de l'Etoile

Note de Tootpadu: