Bodybuilder

Bodybuilder
Titre original:Bodybuilder
Réalisateur:Roschdy Zem
Sortie:Cinéma
Durée:104 minutes
Date:01 octobre 2014
Note:

Antoine est réveillé en pleine nuit par des voyous à qui il doit une forte somme d’argent. Il arrive à s’enfuir chez son frère Fred, qui ne pourra pas l’héberger longtemps. La seule solution pour se faire oublier et ne pas risquer sa conditionnelle est de partir à St Etienne chez son père qu’il n’a pas vu depuis des années. Celui-ci est un adepte inconditionnel du culturisme, une passion qu’il vit à la fois en tant que directeur d’une salle de musculation et en se préparant à sa prochaine compétition dans quelques semaines. Autant dire que le moment est mal choisi pour que Vincent s’occupe de son fils délinquant. Il accepte néanmoins d’accueillir Antoine, à condition qu’il se tienne à carreau.

Critique de Tootpadu

Faire de la gonflette n’est pas de tout repos. Cette discipline sportive demande même un investissement entier du corps et de l’esprit pour parvenir à un résultat que le commun des mortels ne trouvera nullement esthétique. Ou comme le dit Arnold Schwarzenegger en introduction du troisième film de Roschdy Zem, il faut une concentration absolue pour arriver premier, quitte à rater l’enterrement de son propre père. Tant de sacrifices pour une consécration si superficielle : les culturistes en veulent certainement, mais dans les limites de leur monde fait de clubs d’entraînement et de régimes à base de suppléments alimentaires à la composition douteuse. La vision de Bodybuilder de ce microcosme au bord du ridicule n’a rien de complaisant. Elle ne passe sous silence ni la pharmacie personnelle de chacun des musclors, ni les sautes d’humeur de ces hommes – et de ces rares femmes – qui ne se reconnaissent une valeur qu’en travaillant à outrance leurs muscles les plus saillants.

Vincent, cet ancien champion qui s’entête à remonter sur le podium à l’approche de la soixantaine, n’a rien d’un saint. Sa seule et unique philosophie de vie, il la placarde sur les murs de son établissement, comme des rappels à contempler hâtivement lorsque le doute et la fatigue induisent à la tentation de l’abandon. Cette culture de l’effort sans compter a un prix élevé : des rapports sociaux qui sont réduits au strict minimum, notamment à travers une vie sentimentale et familiale rachitiques. Et puis, des problèmes de santé récurrents pointent leur vilain nez, suffisamment proches de ces machines à soulever des poids pour ne pas se faire d’illusions sur le bien-fondé physique de cette pratique de sport excessive. Ce père presque indigne n’en démord pourtant pas, même pas lorsqu’il doit se rendre compte que son obsession d’une perfection toute relative n’aidera point son fils à rentrer dans le droit chemin.

L’antagonisme entre le père têtu et sa progéniture, une petite frappe qui s’improvise en tradeur des cités et qui finit avec la gueule fracassée, est au centre du récit de ce film solide. Or, tout comme Roschdy Zem n’aime pas les interprétations fulgurantes lorsqu’il se trouve devant la caméra, il ne succombe pas non plus aux schémas narratifs grossiers quand il change de casquette. Les méfaits d’Antoine continuent ainsi sans gêne sous le toit de son père, pendant que celui-ci ne change pas non plus son emploi du temps d’un iota pour réellement venir en aide à son fils. Leur rapprochement se fait très progressivement, sans sursaut poussif, ni règlement de compte familial libérateur. A la fin, ils se sont certes réconciliés en quelque sorte, mais en gardant leurs traits de caractère a priori incompatibles. Ce qui constitue malgré tout un accomplissement modeste, dans le fond et la forme, à l’issue d’une sobriété sombre qui invite moins à l’enthousiasme qu’à l’appréciation d’une écriture cinématographique sans fioriture.

 

Vu le 8 octobre 2014, à l’UGC Ciné Cité La Défense, Salle 5

Note de Tootpadu: