Lili Rose

Lili Rose
Titre original:Lili Rose
Réalisateur:Bruno Ballouard
Sortie:Cinéma
Durée:93 minutes
Date:22 octobre 2014
Note:

Xavier vient chercher Samir au travail dans sa vieille Citroën break. Ils traînent ensemble sur la place du village, quand Xavier est interpellé par un ancien camarade de fac. Celui-ci finit par l’inviter à une fête, le vendredi suivant. Alors que Samir s’ennuie à ce genre de soirée mondaine, son ami en profite pour gagner quelques euros au poker. Ils y croisent Liza, la fiancée du maître des lieux. Après avoir découvert une infidélité de la part de son futur mari, elle part seule dans les rues du patelin. Xavier et Samir lui proposent de les rejoindre pour une virée sans destination précise, au gré de leurs envies et des circonstances pas toujours favorables.

Critique de Tootpadu

Si Les Valseuses de Bertrand Blier était la seule référence dont ce premier film singulier se revendique, nous y verrions à peine plus qu’une petite comédie salace. Il dispose cependant d’un côté plus personnel, qui le rend – faute d’un terme moins usé – plus poétique. Pendant longtemps, l’action y est en effet comme suspendue, ouverte à toutes les possibilités et à tous les fantasmes. Cette liberté de ton et d’attitude ne vient pas de l’extérieur, de la récupération de quelques attributs réfractaires au statu quo moral et social. Elle rayonne au contraire depuis l’intérieur, avec une quiétude insouciante qui n’est pas non plus dupe des limites du style de vie au jour le jour de ce trio d’amis improbable. Car à chaque week-end de détente au bord de la mer suivra forcément le retour terne aux affaires courantes, voire au point de départ pour mieux revivre ces aventures dans une boucle qui ressemble beaucoup à un cercle vicieux.

Entre les deux plans panoramiques aux extrémités de Lili Rose, qui balaient respectivement la cour de l’usine où Samir travaille sans conviction et la place du village où il attend avec Xavier qu’une nouvelle occasion de partir de ce bled paumé se présente, une multitude de choses se passent, sans que cette parenthèse de quelques jours ait un impact profond sur la vie des personnages. Ces derniers se laissent porter par le hasard ou des envies impulsives dans un lent mouvement de vagabondage joyeux dans l’espace et le temps. Ils n’ont ni contrainte, ni plan préétabli, autre que de rouler dans leur vieille voiture conviviale et de s’arrêter où et quand cela leur chante. Pareille virée sans finalité contient toujours le risque de l’éparpillement anecdotique. Le scénario de Bruno Ballouard ne s’y refuse pas catégoriquement, à travers une série de personnages secondaires aussi amusants que caricaturaux. En dehors de leur qualité comique indéniable, ils dressent un arrière-plan de la folie au quotidien qui relativise tout de suite le comportement irresponsable et loufoque des trois personnages principaux.

Ils volent, ils s’incrustent et ils resquillent. Pourtant, ce qui caractérise le mieux les rapports entre Xavier, Samir et Liza, c’est la douceur. Elle est même si omniprésente dans la connivence qui règne entre eux, qu’elle laisse pendant une heure la porte ouverte à l’hypothèse d’une relation gaie entre les deux hommes. Or, ce qui les lie l’un à l’autre est plus subtil que le sexe : c’est une existence marginale à double face, dans une complémentarité entre la rage et la prévenance qui leur évite de s’attirer trop d’ennuis. Leur oisiveté ne fait de mal à personne. Elle fait juste du surplace pendant que les hommes et les femmes qu’ils croisent finissent tôt ou tard par avancer. L’arrivée de Liza dans cette amitié au mécanisme parfaitement rodé n’y est point perçue comme un élément perturbateur. Cette femme plutôt discrète n’est pas réellement l’équivalent humain de la chienne galeuse qui a donné son nom au film. Elle participe à l’épanouissement d’un style de vie parallèle, trop fragile pour perdurer, mais assez beau pour nous subjuguer.

Contrairement à l’affiche au motif potentiellement sordide, ce film s’abstient de toute vulgarité pour mieux célébrer la vie sous un jour insouciant. Des bouffées d’air frais de ce genre sont hélas rares dans le cinéma français. Raison de plus de ne pas bouder notre plaisir face à ce film joliment intimiste.

 

Vu le 8 octobre 2014, à la Salle Gaumont - Alice Guy

Note de Tootpadu: