Paradise lost

Paradise lost
Titre original:Paradise lost
Réalisateur:Andrea Di Stefano
Sortie:Cinéma
Durée:120 minutes
Date:05 novembre 2014
Note:

Dans les années 1980, le jeune Canadien Nick suit son frère en Colombie pour faire du surf. Il y rencontre la belle Maria, dont il tombe amoureux. Quand leur relation devient sérieuse, Maria tient à présenter Nick à son oncle, le puissant sénateur Pablo Escobar. D’abord intrigué par les actions humanitaires de cet homme charismatique, Nick finit par voir l’envers du décor : le trafic de drogues soutenu par une violence sans scrupules. Mais il est déjà trop tard pour faire marche arrière, puisque la célébration de ses fiançailles avec Maria est imminente et que Pablo Escobar exige une loyauté absolue, surtout de la part des membres de sa famille proche.

Critique de Tootpadu

Le pouvoir absolu corrompt d’une manière absolue. S’octroyer tous les droits incite forcément à l’abus, en politique, où les règles démocratiques peuvent facilement être contournées si l’opinion publique est assez léthargique ou favorable au dirigeant, et à plus forte raison dans l’univers parallèle du crime organisé, où il suffit d’appliquer une violence sans état d’âme pour accroître son influence. Hélas, le cinéma se montre souvent frileux lorsqu’il s’agit d’évoquer ces destins exceptionnels. Car leur qualité d’exemple n’a strictement rien d’édifiant. Ces vies passées sous le signe de la transgression du statu quo social et légal y servent davantage comme un avertissement, à ne surtout pas imiter. Certaines parties du public s’approprient néanmoins les épopées de gangster comme Scarface de Brian De Palma. Mais en même temps, ces films-là s’emploient malgré tout à la création de mythes, aussi éloignés de la réalité que les contes de héros religieux, de guerre ou de quelque cause humanitaire que ce soit. Une démarche plus courante est celle de l’identification par l’intermédiaire d’un individu ordinaire, à la fois fasciné et effrayé par les agissements criminels qu’il découvre.

En dépit de la mise en avant de Benicio Del Toro, abonné aux personnages ténébreux et ambigus, Paradise lost est de ces films qui élaborent tout un carcan rassurant pour mieux conjurer le mal. C’est au fond l’histoire d’un brave gars, sans histoires et sans attrait particulier, qui vient en Colombie presque par hasard et qui y devient malgré lui un observateur privilégié de la folie meurtrière du caïd Pablo Escobar. Ce dispositif, nous le connaissons au moins depuis Le Dernier roi d’Ecosse de Kevin Macdonald, dans lequel le point de vue du médecin de Idi Amin Dada nous permettait d’apercevoir partiellement la soif de sang du dictateur. Ici, la formule est conjuguée selon le même mode opératoire, renforcé par une histoire d’amour très convenue, qui fournit en fait la seule et unique raison pour laquelle Nick accepte d’intégrer l’univers mafieux de l’oncle adulé.

Par la suite, le récit suit mollement le chemin préétabli de la descente aux enfers, lorsque le côté sombre d’Escobar supplante ses rares qualités de bienfaiteur pour un peuple exsangue. Bien sûr, quand le protagoniste se rend compte du danger qu’il encourt en fréquentant l’entourage de cette figure mégalomane, il est déjà trop tard pour se raviser. Les épreuves qu’il devra accomplir alors pour tenter de s’y soustraire sont de plus en plus difficiles, sans que la narration de Andrea Di Stefano ne réussisse à y insuffler une tension palpable. La plus grande faiblesse du film consiste en effet à ne pas savoir rompre avec une forme ennuyeusement conventionnelle, guère rendue plus originale par le récit cadre qui brosse avant l’heure l’issue tragique du jeune héros, trop humain pour s’imposer dans un monde de bêtes sans scrupules.

 

Vu le 9 octobre 2014, à la Salle Pathé Lamennais, en VO

Note de Tootpadu: